Trois chantiers pour aligner la formation sur le Web
Michel Diaz

féfaur / e-learning letter / trophées du digital learning
Un salarié, c’est souvent, pour ne pas dire toujours, un internaute… On imagine que les deux auront de plus en plus de mal à cohabiter, à comparer les services qu’ils obtiennent de leur entreprise et sur le Web, dans le champ de l’apprentissage en particulier !
Dédoublement de personnalité de rigueur ! En tant qu’internaute (mobinaute, etc.), je me goinfre tant et plus des produits et services que m’offre le Web. Une vraie corne d’abondance ! Des ressources en nombre infini, souvent de grande qualité, aux formats les plus variés… Freemium : les services de base sont gratuits, je peux aussi tester le niveau premium et m’abonner d’un clic s’il me convient. Ces services sont par ailleurs immédiatement accessibles, sur tous mes « devices » (ordinateur, tablette, smartphone). Le Web me donne un sentiment d’importance : il semble s’adresser à moi individuellement, il me fait des suggestions qui sont autant de clins d’oeil : l’ « analytics » a fait son oeuvre ! Je peux m’en inquiéter, ou bien me rassurer (si je n’ai rien à cacher). Cette individualisation n’est pas cantonnée aux recherches : elle s’exprime aussi à travers la faculté de commenter, de « ranker » ou de « liker », de publier, de partager… Autant d’agir qui marque mon appartenance à de multiples communauté dont le « je » se trouve à l’intersection (je n’est plus un autre : il est tous les autres).

Digital Learning en entreprise ? Des produits, des services en petit nombre (la formation est malthusienne), de qualité médiocre, uniformes - le module e-learning ou rapid learning, plus ou moins scénarisé, aux médias plus ou moins riches. Quelques ressources pour une formation de masse, car la promesse d’individualisation n’est en pratique guère tenue. Accessibilité ? Le multi-devices en est à ses balbutiements, et la réglementation de la formation contraint les entreprises françaises à la plus grande prudence : on apprend au travail, pas à la maison (sauf les combattants des (par)cours du soir). Le Département Formation se rassure : il ne peut être plus royaliste que le roi, et doter les apprenants de dispositifs fondés sur des technologies qui sont après tout du ressort de la DSI. Certes, mais rien ne lui interdit de défendre son idée de la formation vis-à-vis des techniciens.

Salarié-Internaute : la grand écart, donc. Jusqu’à quand ? Le clash n’est peut-être pas si loin, si l’on en croit le phénomène du BYOD (Bring Your Own Device), les salariés, génération Y en-tête, faisant pression pour venir travailler avec leurs tablettes et autres smarphones, nettement plus sexy que les vieilles machines Windows qui les attend au bureau. Le risque existe aussi pour le Département Formation de voir les salariés-apprenants bouder le LMS, sauf pour les formations liées à une mise en conformité obligatoire… La formation « mère fouettarde » ? Ce n’est sans doute pas l’image que les responsables formation ont envie qu’on se fasse d’elle.

Alors, c’est fichu ? Au contraire ! Deux ou trois pistes. Celle, par exemple, de la « curation de contenu » (Wikipedia : une pratique qui consiste à sélectionner, éditer et partager les contenus les plus pertinents du Web pour une requête ou un sujet donné) : de quoi enrichir grandement les contenus internes de l’entreprise, une vraie valeur ajoutée pour les salariés, pas d’obstacle technique majeur. Autre piste : la mise en oeuvre progressive des apprentissages collaboratifs, dans le cadre d’un projet de formation spécifique, bien choisi, pour commencer, dont le cahier des charges intègrerait cette dimension. Quant à l’individualisation : et si l’entreprise se mettait enfin à exploiter les données recueillies sur son LMS depuis des années ?

3 chantiers utiles qui peuvent être inscrits à l’agenda 2014 des départements formation.

Michel Diaz