Antalis : projet LMS modèle !
Manuel Tercic
learning & development manager
antalis international
Manuel Tercic, Learning and Development Manager d'Antalis, leader européen de la distribution de papiers, de solutions d'emballage et de produits de communication visuelle pour les professionnels, déroule points de vigilance et bonnes pratiques d'un projet LMS mené de façon exemplaire…

Pour quels besoins Antalis s’est-elle dotée d’une plateforme LMS ?

Manuel Tercic : Le groupe Antalis a lancé en 2010 un plan de transformation de son modèle commercial. La formation des forces de vente internationales étant un facteur clé pour la réussite de ce projet (représentant environ 2.000 personnes sur 6.000 employés au total), l’Académie des ventes (Antalis Sales Academy) a été créée. Elle a consisté à former les 2000 employés des ventes en mode présentiel, principalement sur les techniques de ventes à adopter dans le contexte du nouveau modèle commercial.

Il s’agissait de la première démarche de formation à l’échelle du groupe et un investissement majeur. Or, aucune plateforme LMS n’était disponible à l’époque. Le groupe a donc décidé de se doter d’une telle plateforme : l’objectif principal était de renforcer les formations présentielles de l’Académie des ventes par des modules complémentaires, notamment sur les produits et services qui n’étaient pas abordés en classe. La formation traditionnelle était adaptée au besoin initial, mais ne permettait pas de capitaliser dans la durée sur les compétences acquises et d’aborder tous les sujets liés à la vente. Je ne dirais donc pas que la formation traditionnelle avait « cessé » de répondre à nos attentes, mais nous avons perçu très rapidement les avantages de la formation en ligne dans ce contexte particulier : renforcer la formation présentielle par des modules complémentaires et utiliser un LMS pour offrir aux apprenants une expérience plus riche et adaptée aux besoins particuliers de chaque pays.

Après un audit précis de l’existant et des besoins, nous avons identifié des opportunités plus nombreuses qui ont permis d’élaborer un cahier des charges précis. Par exemple, nous avons décidé d'élargir la cible initiale des ventes à l’ensemble des employés, dans tous les pays du groupe : la formation en ligne est dorénavant ouverte à tous les employés disposant d’une adresse e-mail. Nous avons aussi étendu l'utilisation de plateforme à la gestion plus large de la performance, notamment en permettant de gérer  l’entretien annuel d’appréciation.

D’ailleurs nous ne parlons pas simplement d’un LMS chez Antalis, mais d’une plateforme plus large de « gestion des talents » incluant un LMS, un outil de gestion de la performance (avec l’entretien annuel d’appréciation) et d’autres outils RH.

Quels points de vigilance et quelles bonnes pratiques recommandez-vous dans le choix et le déploiement d’une plateforme LMS ?

Manuel Tercic : Les points de vigilance et bonnes pratiques sont nombreux. On peut les résumer ainsi…

D'abord étudier précisément le besoin par rapport à un contexte donné avant de se lancer dans la recherche d’une plateforme ! Les fournisseurs de LMS sont nombreux et il est essentiel d'avoir une bonne compréhension du besoin, du périmètre d’utilisation, des ressources internes nécessaires au développement du projet, du budget et des contraintes techniques. Un audit interne nous a permis de mettre en évidence les besoins précis, les avantages et les freins. Nous avons interrogé 30 parties prenantes représentant toutes les fonctions clés et zones géographiques (essentiellement Responsables RH, ventes, informatique, comité de Direction). Conseil important : n’oubliez pas d’interroger les apprenants qui sont bien sûr au cœur du projet !

Ensuite la question de la gestion des langues est essentielle dans un périmètre international comme celui d'Antalis. Le groupe est présent dans plus de 30 pays dans le monde, couvrant 17 langues. Certains LMS proposent une interface disponible dans de nombreuses langues. D’autre non, ou bien avec un nombre trop restreint de langues !

Le soutien du Comité de Direction et en particulier du Directeur Général a été l’un des facteurs clés de la réussite de ce projet. Cela a largement facilité le développement du projet. Convaincre la Direction en démontrant les nombreux intérêts qu’offre une telle plateforme est donc un autre élément important à considérer.

Autre question très importante, voire primordiale : celle des ressources internes disponibles (RH dans le cas d’Antalis) ! Dans notre contexte, l’administration de la plateforme est réalisée localement avec un coordinateur dans chaque pays. Il convient d’évaluer précisément ces ressources disponibles et d’anticiper leur développement (formation et montée en compétence) sans sous-estimer la charge de travail.  La bonne coordination centrale à partir du siège avec une équipe dédiée portant le projet a été un autre facteur clé de succès.

L’un des principaux critères de sélection de la plateforme a été la capacité du prestataire à nous accompagner dans la configuration et le déploiement d’une solution totalement nouvelle pour Antalis. Sans l’expérience de la gestion d’un LMS, nous avons recherché un prestataire « partenaire », capable d’accompagner l’équipe projet jusqu’au lancement dans notre contexte international.

Enfin, mais cette liste n'est pas exhaustive, nous avons bien sûr impliqué directement la DSI dans le projet. Le choix de notre LMS n’a jamais été considéré comme bloquant dans la mesure où le mode SaaS (NDLR : Software-as-a-Service : abonnement à un service Web plutôt qu'acquisition de licences) permet d’externaliser l’hébergement et la maintenance de la solution. Certains ajustements ont dû être réalisés dans certains pays (notamment la bande passante) mais ont représenté des actions mineures.

Comment s’organise le déploiement d’une plateforme LMS Corporate d’une grande entreprise comme Antalis ?

Manuel Tercic : Notre projet a été réalisé en trois phases : audit interne, appel d'offres et déploiement.

L’audit interne centré sur l’analyse du besoin a duré 6 mois. Il a permis aussi d’étudier les bonnes pratiques sur le marché par un benchmarking efficace, la participation à de nombreux salons et conférences, et la formation de l’équipe projet. De nombreuses ressources existent (notamment dans votre newsletter !) et nous en avons largement bénéficié !

L’appel d’offres, le choix de la plateforme, la configuration de la plateforme et la création des premiers contenus pour le périmètre pilote… 6 mois à nouveau. Cette seconde phase a certainement été la plus intense car elle a mobilisé à plein temps l’équipe projet constituée des représentants du siège et des trois pays-pilotes. C’est pendant cette phase que nous avons construit le plan de communication interne en ne négligeant à aucun moment la notion de « d’accompagnement du changement » dans les pratiques de formation, et au-delà, dans la gestion de la performance.

Quant à la phase de lancement et déploiement, nous avons lancé la plateforme en janvier 2012 sur un périmètre pilote. Puis, nous avons étendu la plateforme à l’ensemble des pays en nous appuyant sur une méthodologie et des formations dédiées pour les administrateurs de chaque nouveau pays. Nous avons procédé en 4 phases d’intégration, chacune comprenant 8 pays à raison d'un groupe par trimestre. L’équipe projet basée au siège a réalisé toutes les formations internes des administrateurs locaux. La plateforme est aujourd’hui disponible dans plus de 20 pays !

Quelles sont les compétences requises de l’équipe formation et la charge de travail, en phase d’exploitation ?

Manuel Tercic : Cela dépend bien sûr de la dimension du projet, du mode de gestion du LMS (par une équipe centrale ou par des correspondants locaux comme chez Antalis), des contraintes linguistiques et du LMS lui-même !

En ce qui concerne Antalis, nous avons identifié au sein des équipes RH locales, les personnes dédiées capables de gérer techniquement la plateforme mais surtout de la faire vivre et de l’animer au quotidien en s’assurant de diffuser les formations adaptées au mode d’apprentissage en ligne. Des formations régulières, vidéoconférences et réunions permettent à l’équipe projet du siège de créer une communauté soudée d’administrateurs performants. Plus que des administrateurs, nos équipes locales sont considérées comme des partenaires soutenant l’activité du groupe en favorisant le développement de tous les employés ; nous avons l’ambition de faire de cette communauté des « business partners ».

Pour assurer cette fonction, l’équipe « Learning and Development » doit notamment être à l’aise avec la gestion opérationnelle de la plateforme. Des connaissances en gestion de sites web ne sont pas indispensables car les LMS en mode SaaS sont souvent intuitifs et ne nécessitent pas de compétences pointues, mais une expérience préalable en gestion de site Web permettra de maitriser plus rapidement l’administration du LMS. Elle doit aussi connaitre son réseau et gérer la base de données employés régulièrement, car c’est le cœur du système. Sans base de données à jour, il n’y a pas de LMS ! Enfin elle doit anticiper les besoins de formation du personnel local, en phase avec la stratégie de développement du groupe et savoir identifier la bonne méthodologie : en ligne ? en présentiel ? ou mixte ? Les bases fondamentales de la fonction « Learning and Development » doivent être acquises.

La charge de travail n’est pas négligeable dans ce contexte. En phase de configuration avant le lancement du LMS dans un pays donné (3 mois), les administrateurs sont totalement investis (plein temps). En phase d’exploitation, cela dépend du périmètre de gestion et de la fonction des administrateurs locaux du LMS. Dans les grands pays (plus de 600 employés), ils occupent une fonction de « Learning and Development » et sont purement en charge de la formation. Il m’est difficile de répondre plus précisément à la question de la charge de travail, mais un LMS n’étant pas un gadget il est certain qu’ils y consacrent une large partie de leur temps !

A titre plus personnel, je remarque que mon expérience précédente de responsable de la communication interne d’Antalis m’a été largement bénéfique pour réussir dans ma nouvelle fonction. J’ai eu l’occasion de gérer plusieurs outils Web, de maîtriser les réseaux internes et la stratégie du groupe. C’est un avantage énorme ! Ma formation complémentaire au CAFEL de la CCI de Paris m’a permis de me développer très rapidement dans mon nouveau rôle.

Quelles sont les perspectives d’évolution dans les usages de votre plateforme LMS ?

Manuel Tercic : Sans ignorer les évolutions technologiques, nous restons aujourd’hui  principalement concentrés sur le déploiement de la plateforme et enrichissons le catalogue de formations disponibles. Créer le « réflexe LMS » chez nos employés est notre objectif pour 2014. Avec une plateforme de gestion des Talents, Antalis s’est dotée d’un outil puissant permettant aux employés d’être  acteurs de leur propre développement, et aux managers de s’inscrire dans une démarche de « coach » en contribuant plus efficacement au développement de leurs équipes.

Nous utilisons désormais le LMS pour toutes les formations réalisables en ligne et communiquons régulièrement sur les nouveaux contenus. Nous sommes encore dans une phase de découverte de la plateforme pour les pays l’ayant lancée récemment. Mais nous avons bien sûr commencé à réfléchir aux nouvelles pratiques (notamment le « mobile learning »). J’espère avoir l’occasion d’en reparler ici prochainement !

Propos recueillis par Michel Diaz