1 - Des salariés davantage acteurs de leur formation
Le nouveau système de formation va outiller considérablement les salariés. Le conseil en évolution professionnelle leur permettra de mieux bâtir leur projet de formation, tout comme l’entretien professionnel qui sera systématisé et renforcé. Le CPF, qui va bien plus loin que le DIF, permettra de capitaliser un droit à la formation qualifiante utilisable à tout moment de sa carrière. Les possibilités d’abondement ouvriront des perspectives nouvelles. Bref, les salariés vont être doté d’un (bon) bagage pour réaliser leur parcours formatif. Mais, ne soyons pas crédules, cela servira certainement les salariés les plus capables de naviguer et négocier dans les méandres du système de formation.
2 - Des entreprises plus responsables des résultats que des moyens.
C’est la bonne nouvelle de la réforme. Les entreprises ne seront plus incitées à dépenser de l’argent, mais seront sensibilisées aux résultats. Les liens entre plan de formation et GPEC seront renforcés. De nouveaux indicateurs devront être suivis (% des salariés certifiés, % des salariés n’ayant pas eu de formation depuis au moins 3 ans…).
Parallèlement, les critères de définition de l’action de formation seront élargis (cf.
propositions du gouvernement) . Et si l’obligation fiscale venait à être supprimée, les entreprises seraient alors totalement libérées du carcan administratif. Quel que soit le résultat de la négociation en cours, elles pourront se concentrer davantage sur la qualité des prestations que sur le comptage des heures de formation à déclarer !
3 - Un marché de la formation encore plus régulé
La mutualisation sera sensiblement augmentée, reste à savoir de quel montant exact, le patronat tardant à s’accorder sur cette question. Mais la tendance est là : l’argent de la formation sera encore plus régulé par les pouvoirs publics : OPCA, FONGECIF, FPSPP, mais aussi Pôle Emploi, Régions… On parle de certification pour les organismes de formation. En tous les cas, les actions dites mutualisées seront multipliées. De financeur, les organismes paritaires et les pouvoirs publics vont devenir acheteur de formation. Pas sûr que les salariés y gagnent !
Cinq évolutions majeures dans les pratiques de formationComment les acteurs de la formation de terrain vont-ils s’approprier ce nouveau système de formation ? On peut envisager cinq évolutions majeures dans les pratiques de formation.
1 - Moins de formation de maintenance, plus de formation d’investissement
Les entreprises qui vont être à la fois davantage taxées (mutualisation accrue) et plus libres pour réaliser des actions de formation (fin de l’obligation fiscale (?) et dans tous les cas élargissement des critères d’imputabilité) vont certainement choisir de réduire leur budget de formation dit de “maintenance“ ou de “confort“. Finies les formations de développement, de langues ou bureautique non indispensables. Tout cela va être renvoyé à la responsabilité du salarié. Les entreprises préfèreront bâtir leur plan de formation autour de quelques grands projets stratégiques pour développer leur activité ou pour répondre à leurs objectifs de GPEC.
2 - Du stagiaire à l’E-autodicate
Le salarié, partiellement responsable de sa formation, va devoir devenir stratège pour optimiser ses propres investissements formation. Les 120 heures de CPF, mêmes abondées, ne suffiront pas à répondre à tous ses besoins. Il devra trouver d’autres formats que le stage classique de formation, beaucoup trop onéreux. La solution : s’engager dans une démarche d’autodidaxie. A lui, d’apprendre de son expérience, de ses pairs et surtout d’utiliser les nouveaux outils digitaux : E-Learning, MOOC, SPOC, Crowd Learning, veille et curation de contenu… Bref, de devenir l’autodidacte des temps modernes : l’E-autodicate.
3 - La formation rapprochée
Heureusement pour lui, le salarié est intégré dans un collectif de travail : une équipe. Et l’équipe est un formidable vecteur d’apprentissage. Charge aux managers de valoriser cette dimension pédagogique du travail en équipe. Il existe de multiple techniques pour transformer un collectif en une équipe apprenante : binôme de compétences, revue de pairs, réunion de créativité et de progrès, échanges de bonnes pratiques, réseautage… Cette formation au plus près du travail, et par conséquent du besoin lui-même en compétence, va devenir essentielle. Cette formation rapprochée est à la fois très efficace, très facile à mettre en œuvre (à condition d’accompagner les managers) et très peu onéreuse.
4 - Des parcours de formation certifiants plus flexibles
En complément de “l’E-Autodidaxie“ et de la “formation rapprochée“, un troisième format pédagogique émergera probablement : la “formation certifiante flexible“. La demande en formation qualifiante devrait être importante si le CPF a plus de succès que le DIF. Or le CPF reste limité à 120 heures, ce qui n’est pas suffisant pour obtenir une certification. Les écoles et universités vont devoir faire preuve de souplesse et réorganiser leur offre de formation en la modularisant, la digitalisant et en reconnaissant davantage l’expérience acquise en entreprise. Elles pourront ainsi proposer des parcours accessibles aux salariés poursuivant leur activité. La réforme de 2014 risque d’avoir un petit côté "vintage" et de nous renvoyer aux lois Debré de 1959 et 1966 qui avaient accéléré le développement des cours du soir.
5 - Une formation orientée résultat ?
On l’a vu précédemment, les entreprises auront plus une obligation de résultat que de moyen. C’est une bonne nouvelle pour les fervents défenseurs des dispositifs d’évaluation de la formation. Les entreprises devraient exiger dans les années à venir plus d’engagement sur les résultats de la part des prestataires de formation.
Est-ce que cela sera également le cas des financeurs publics et paritaires ? On pourrait l’imaginer. Après tout, leur objectif affiché est la réduction du nombre de chômeurs. Mais qu’en sera t-il dans les faits ? Ne privilégieront-ils pas une nouvelle fois l’effet d’affichage aux résultats tangibles ? Le nombre de personnes formées plutôt que le nombre de personnes ayant retrouvé un emploi suite à une formation ? Les premiers appels d’offre qu’ils lanceront seront riches d’enseignement !
La réforme de 2014 devrait s’inscrire dans celle de 2004 qui n’était d’ailleurs qu’un prolongement de la réforme fondatrice de 1971. Il s’agira certainement davantage d’une évolution que d’une révolution. Une révolution aurait conduit à une suppression de l’obligation fiscale réalisée conjointement avec une diminution de la mutualisation. Les débats très vifs des jours derniers n’y changeront rien : si le 0,9% disparaît, il sera remplacé par une augmentation sensible des fonds mutualisés. Comme tout bon système, le système de formation retrouvera une nouvelle fois son équilibre !