L'image : nouveau cœur de la pédagogie ?
Michel Diaz
directeur de la rédaction
e-learning letter
À propos de quelques bénéfices, pour les professionnels de formation, de la version 2.0 du générateur d’images de Google… Plus réalistes, plus cohérentes, les images produites peuvent désormais être utilisées à grande échelle dans des dispositifs de formation. La production visuelle se réorganise, gagnée par une agilité croissante ; les coûts de personnalisation baissent. La qualité s’unifie. Les concepteurs pédagogiques et les experts métiers lui sauront gré de disposer d’un levier immédiat pour renforcer l’impact de leurs dispositifs.  

Des images enfin exploitables à grande échelle

L’époque des images générées inutilisables en formation semble révolue. Les aberrations graphiques — doigts surnuméraires, regards flous, objets tordus — ont été corrigées. L’outil génère désormais des scènes lisibles, des postures crédibles, des expressions humaines. Cette qualité nouvelle change la donne : les visuels générés peuvent être directement injectés dans un module, sans intervention d’un graphiste. Pour le concepteur pédagogique, c’est un allègement immédiat de la chaîne de production, une autonomie renforcée, une liberté nouvelle dans l’itération et l’adaptation. Le réalisme n’est plus une promesse : c’est une base de travail stable, exploitable, valorisable.

Un double levier : cohérence visuelle et personnalisation

Le défaut visuel majeur des dispositifs e-learning tient à leur patchwork graphique : pictogrammes d’une bibliothèque PowerPoint, photos issues d’un moteur de recherche, styles hétérogènes. L’usage d’un générateur d’images permet de verrouiller une esthétique, de produire des séries homogènes, de travailler la continuité visuelle. Il devient possible de créer des univers, d’imposer des codes visuels, de faire exister des personnages récurrents. Parallèlement, cet outil autorise une personnalisation massive et rapide : quelques prompts adaptés suffisent à décliner un même scénario en fonction d’un public, d’un métier, d’un site. La possibilité d'une personnalisation — longtemps freinée par des coûts de déclinaison prohibitifs — ne tient plus de la seule promesse.

La chaîne de production : resserrée, plus agile

Jusqu’ici, l’image était un point de blocage dans la chaîne de production : attente de livraisons, aller-retour avec une agence, dépendance à une photothèque pauvre. Ce n’est plus le cas. Le concepteur dispose de l’outil. Il saisit sa commande. Il obtient plusieurs propositions. Il sélectionne. Il itère. Il publie. Changement de temporalité. Le temps du projet se rapproche du temps réel. Les retards dus à la production graphique disparaissent. Le pilotage visuel est internalisé. Les prestataires interviennent sur la conception, non plus sur l’exécution. Et quand ils sont mobilisés, c’est pour valoriser l’image, pas pour en corriger les défauts. Le dispositif se dote d’un flux visuel agile et maîtrisé.

L'image : possible (nouveau) cœur de la conception pédagogique

L’image n’est plus seulement une illustration finale. Elle devient un point d’entrée. On pense la formation comme une série de scènes. On déroule un parcours en imaginant d’abord les contextes, les postures, les interactions. Le concepteur part d’un geste, d’un lieu, d’une situation, et construit autour. L’image fonctionne comme une maquette mentale. Elle structure. Elle organise la pensée du scénario. Elle favorise le travail collaboratif entre experts métiers et concepteurs. Elle permet d’aligner plus vite sur le fond. À partir de quoi on écrit, on module, on scénarise. C’est une bascule silencieuse mais déterminante dans la conception pédagogique : passer du texte accompagné d’images à un dispositif conçu d’abord visuellement. Un tel déplacement n’étonnera pas les développeurs informatiques, qui se sont frottés de longue date à la programmation visuelle — dont on retrouve par exemple une trace dans le Visual Basic.

Google parmi d'autres

Google a déclenché ce mouvement avec une version 2.0 très médiatisée. Mais la réalité de terrain, c’est une concurrence féroce. Midjourney produit des styles puissants. DALL·E s’intègre aux outils Microsoft. Firefly s’appuie sur l’écosystème Adobe. Canva ajoute de la simplicité. Leonardo AI monte en puissance. Pour les équipes formation, la question n’est pas d’adopter une solution universelle mais d’articuler une ou deux briques pertinentes à leurs usages : storyboard rapide, déclinaison localisée, illustration contextuelle. Chaque outil a ses forces. Le vrai choix, c’est d’industrialiser un usage utile, pas de tester tout ce qui sort !

Un cadre à construire pour éviter les dérives

Mais la puissance expressive d’une image génère aussi du risque. L’ambiguïté d’une posture, un détail culturel mal calibré, une émotion mal dosée : tout peut brouiller le message. L’image engage. Elle n’est pas neutre. Elle nécessite un cadre : charte visuelle, logiques de validation, responsabilité éditoriale. Ce n’est pas un gadget. C’est une matière sensible. Le pilotage visuel devient un enjeu stratégique dans les équipes formation. Surtout si l’image devient centrale dans la conception. On n'oubliera pas, au passage, de s'assurer que l'outil ne génère pas des images dont les droits ne seraient pas si libres qu'on peut le croire… cette assurance pouvant constituer une tâche des plus ardues…