ChatGPT compte désormais plus de 800 millions d'utilisateurs hebdomadaires. Cette explosion n'est pas celle d'un effet de mode ; c'est celle d'une infrastructure qui s'impose comme le nouveau système d'exploitation de l'intelligence collective. Pour les responsables de formation, la question n'est plus de savoir si cette vague les concernera, mais quand et comment elle bouleversera leurs pratiques actuelles.
La formation : une conversation comme une autre !
La première rupture concerne l'arrivée d'applications tierces directement dans ChatGPT. Coursera pour accéder à des formations, Khan Academy pour de l'apprentissage adaptatif… Il suffira d'invoquer l'application dans une conversation pour qu'elle se lance. L'ambition est claire : faire de ChatGPT une interface unique via laquelle l'utilisateur interagira avec toutes ses applications. Imaginez un collaborateur qui, au détour d'une conversation avec ChatGPT sur un problème métier, se voit automatiquement proposer une formation adaptée sans avoir à quitter l'interface, sans chercher dans un catalogue LMS, sans même avoir formulé explicitement un besoin. La formation devient contextuelle, conversationnelle, invisible dans sa mise à disposition, mais omniprésente dans sa disponibilité. Ce n'est plus l'apprenant qui va vers la formation, c'est la formation qui vient à lui, au moment où il en a besoin, dans le flux naturel de son activité. Les responsables de formation doivent saisir l'ampleur du changement : leurs catalogues minutieusement constitués, leurs LMS configurés avec soin, leurs parcours savamment orchestrés risquent d'être court-circuités par cette nouvelle logique d'accès à la connaissance. La question se pose brutalement : que devient votre stratégie quand vos collaborateurs ont accès à des milliers de contenus en quelques mots échangés avec une IA conversationnelle ? Certains y verront une menace, d'autres une opportunité de se libérer de la logistique pour se concentrer sur l'essentiel : l'accompagnement des compétences stratégiques, la curation des contenus pertinents, l'articulation entre formation formelle et apprentissage dans le flux de travail. ChatGPT devient le point d'entrée unique vers tous les services digitaux, formation comprise.
La création d'agents de formation : jeu d’enfant ?
La seconde rupture concerne la simplification radicale de la création d'agents conversationnels. OpenAI vient de lancer un kit qui permet à quiconque, sans expertise technique particulière, de construire ses propres agents intelligents. Le dispositif repose sur un éditeur visuel, un chatbot personnalisable et des outils de mesure de performance, le tout connecté à Google Drive, SharePoint, Microsoft Teams et d'autres services professionnels. Pour le secteur de la formation, cette démocratisation change radicalement la donne. Les concepteurs pédagogiques vont devoir intégrer une nouvelle compétence : la conception d'agents conversationnels capables d'accompagner les apprenants. Mais contrairement aux vagues technologiques précédentes qui nécessitaient des mois d'apprentissage, celle-ci promet une courbe d'adoption beaucoup plus douce. Les applications pour la formation professionnelle sont multiples : tuteur virtuel disponible en permanence, coach personnalisé pour les parcours d'onboarding, assistant métier puisant dans la documentation de l'entreprise, facilitateur de classes virtuelles, agent d'évaluation conduisant des entretiens adaptatifs, guide d'orientation dans les catalogues de formation… La liste est virtuellement infinie et ne demande qu'à être explorée par les équipes formation audacieuses. Attention toutefois : cette démocratisation ne signifie pas que n'importe quel agent sera efficace sur le plan pédagogique. Les compétences en ingénierie pédagogique restent absolument indispensables pour concevoir des interactions pertinentes, définir des objectifs clairs, structurer des parcours cohérents, évaluer l'efficacité réelle des dispositifs. La technologie fournit les outils, mais c'est aux professionnels de formation d'apporter l'expertise métier sans laquelle ces outils resteront des coquilles vides.
Le nouveau régime permanent de la formation
Au-delà de ces deux annonces structurantes, les évolutions récentes confirment une tendance de fond : l'accélération technologique n'est plus une phase transitoire, c'est le régime permanent dans lequel évoluent désormais les professionnels de formation. Les outils de génération de code s'améliorent radicalement, ouvrant la voie à la création d'interactions pédagogiques complexes sans développeur. Les modèles de génération vidéo permettent de produire des contenus visuels réalistes avec son synchronisé, questionnant les investissements massifs dans la production vidéo traditionnelle. Chaque trimestre apporte son lot d'annonces qui redéfinissent les possibles et obligent à reconsidérer les stratégies en cours. Pour les équipes formation, cette réalité impose un changement profond de posture. Les responsables qui attendent que la technologie se stabilise pour s'y intéresser ont déjà perdu la partie. Ceux qui expérimentent, testent, échouent, apprennent et itèrent sont ceux qui construisent les dispositifs de demain. Cette accélération permanente requiert précisément ce nouvel état d'esprit dont on parle depuis des années : agilité mentale, réactivité face aux opportunités, créativité dans l'utilisation des outils, orientation résultat plutôt que conformité aux processus établis. L'objectif annoncé par les acteurs technologiques est explicite : raccourcir le chemin de l'idée à la production. C'est exactement ce dont ont besoin les services formation : passer moins de temps sur la logistique et les contraintes techniques, consacrer plus d'énergie à la conception pédagogique de qualité et à l'accompagnement humain des apprenants. Les outils sont là, plus puissants et plus accessibles que jamais. Reste à savoir qui, dans le secteur de la formation, aura le courage de s'en emparer vraiment, sans attendre que la concurrence ou les collaborateurs eux-mêmes imposent le changement. Car une chose est certaine : ChatGPT n'est plus un phénomène de niche. C'est devenu l'interface par défaut d'une partie croissante de la population mondiale pour accéder à l'information et aux services. Les professionnels de formation peuvent choisir d'ignorer cette réalité ou de la considérer comme ce qu'elle est : un bouleversement aussi profond que l'arrivée d'Internet dans les années 1990 ou celle du smartphone à la fin des années 2000. À eux de décider s'ils veulent subir cette transformation ou la piloter.
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