Les opérations, cœur battant de la délivrance de la formation à grande échelle
Jean-Roch Houllier
head of operations, learning & digital
groupe safran
Ce n’est sans doute aux « opérations » que l’on pense de prime abord quand on parle des activités du département Learning &Development (L&D)… On leur préfère des projets fortement exposés comme le déploiement, encore récent, de l’intelligence artificielle générative. Pourtant, ces opérations constituent l’activité centrale de tout département L&D désireux de délivrer et de déployer ses programmes « à l’échelle ». Retour donc sur la question des opérations, et des leçons apprises en la matière par Safran University, l’université du groupe Safran.

Pluralité des méthodes pédagogiques : le défi de la formation multimodale

Dans le domaine du L&D, la crise sanitaire a été associée au déploiement massif de la classe virtuelle (mode privilégié du distanciel synchrone), nouvelle approche pour les uns, déjà bien ancrée dans les pratiques pour les autres. La sortie de crise s’est soldée par un rejet massif des programmes de formation 100 % distanciel ; elle a imposé une refonte multimodale des programmes ; la classe virtuelle demeure certes incontournable mais comme un « ingrédient » parmi d’autres, utilisé à bon escient pour ces vertus, réelles. La montée en puissance du multimodal s’est également traduite par un défi de taille : la modélisation d’une classe virtuelle véritablement intégrée dans l’écosystème L&D. Ce défi a été relevé par Safran University, dès 2021, via l’industrialisation du multimodal, conception et déploiement de tous types de « segments » de Learning, synchrone ou asynchrone, présentiel ou distanciel. En 2025, environ un tiers des mille sessions délivrées par Safran University sont de type multimodal.

Industrialisation des délivrances : les opérations au cœur de la stratégie

Vision et stratégie sont deux préalables incontournables pour tout département L&D qui vise à voir son positionnement reconnu au sein de l’entreprise. Organisation et projets associés seront alors définis en cohérence. Comme nous l’avons développé dans une précédente contribution, plusieurs composantes organisationnelles doivent s’agencer dans tout département L&D : parmi celles-ci, le pôle opération, fondamental pour le déploiement, l’industrialisation et le passage à l’échelle des programmes de formation pour l’ensemble des salariés de l’entreprise. Ce pôle doit garantir robustesse, fluidité et « scalabilité » (passage à l’échelle, généralisation) des dispositifs de formation. Il exécute efficacement la stratégie L&D ; il en mesure également le niveau d’efficacité. Ses missions principales : la planification annuelle des sessions avec un double mécanisme de « boucle longue » (projection fondée sur les années antérieures, les besoins exprimés et les orientations stratégiques) et de « boucle courte » (en réaction à un besoin de formation non anticipé) ; l'organisation logistique y compris les salles, les formateurs internes et externes, les supports, le pilotage des plateformes digitales ; la gestion des inscriptions, convocations, émargements (désormais le plus souvent virtuels) et des évaluations ; la gestion des ressources externes (prestataires, consultants, organismes de formation) ; la réglementation qualité et juridique de la formation.

Le pôle opération définit et suit tous les indicateurs utiles au pilotage de l’activité formation. Parmi ceux-ci figureront notamment le nombre d’heures réalisées annuellement, en France et à l’international, sur le périmètre du département L&D voire au-delà pour l’ensemble de l’entreprise ; le pourcentage de « boucle longue » et « boucle courte » par pays ou zone de délivrance ; le pourcentage de remplissage et d’annulation des sessions ; le budget consommé relativement à l’engagement budgétaire ; les évaluations à chaud et à froid des formations, ; des indicateurs d’opérationnalité pour la formation en situation de travail. Ces indicateurs sont essentiels pour « rendre compte » à l’entreprise, que ce soit en termes budgétaires, d’engagement RSE, de qualité et plus généralement d’amélioration continue et plus encore d’impact de la formation. Notons enfin que la « jonction » entre les deux entités que sont le pôle porteur de l’offre de formation et le pôle opération demeure un point délicat qui a incité la création de la fonction de Responsable méthodes et expert Data L&D chez Safran University. Ce responsable valide d'abord la dimension opérationnelle d’une formation nouvellement conçue (fiche catalogue, découpage en segments, prix, etc.) avant de l’intégrer et de la propager dans l’écosystème L&D de l’entreprise. Il assure également la qualité et la cohérence des données entre les différents systèmes utilisés (LMS, TMS, émargements virtuels, évaluations…).

Retour sur l’optimisation des opérations

  • Le processus opération constitue l’épine dorsale des activités du département L&D :  : ce processus (« PERCOF » chez Safran University pour « Planifier, Engager, Réaliser, COntrôler et Facturer ») formalise et orchestre les activités du département L&D, permettant aussi un partage des principes, règles de fonctionnement et meilleures pratiques.
  • Le « faire ensemble », un incontournable : Dans son rôle de « Business Process Owner » (BPO) du Learning, Safran University a lancé une coordination hebdomadaire réunissant les douze sociétés (filiales) de « rang un » du Groupe. Le partage régulier des besoins, de bonnes pratiques, du fonctionnement de l’écosystème L&D (parmi de nombreux autres sujets) contribue au déploiement réussi de la formation dans tout le Groupe avec, en 2024, plus de deux millions sept cent mille heures, soit environ une trentaine d’heure de formation par salarié.
  • La « boucle longue », un gage de maturité : L’établissement et le pilotage de la boucle longue (pour rappel la planification anticipée des sessions de l’année N+1) constitue un indicateur précieux traduisant le degré de compréhension des besoins business en matière de formation. Il est désormais stabilisé en France (approximativement 80 % des sessions) et reste fortement perfectible ailleurs dans le monde où se trouvent les diverses sociétés et sites du Groupe.
  • Le remplissage du Campus, le « vide » du début d’année : Tout début d’année se traduisait le plus souvent au Campus par une absence remarquée des stagiaires. Après la mise en place d’une ouverture anticipée des sessions dès novembre (et une boucle longue finalisée à la même période), nous sommes parvenus, hors période estivale, à obtenir un remplissage continu sur l’ensemble de l’année.
  • L’écosystème L&D, la condition nécessaire de toute réussite : Nous avons connecté le « Training Management System » (TMS) de notre partenaire (NOOUS) aux autres briques de l’écosystème digital de l’entreprise pour faciliter l’administration des sessions, des évaluations et les émargements virtuels. La pratique montre combine une plateforme congruente aux processus et usages internes est fondamentale.
  • L’internationalisation de la formation, le défi du synchrone : Ce défi est relevé par la mise en œuvre d’un modèle d’organisation approprié pour une délivrance optimale de la formation à l’international. Les difficultés sont nombreuses, tout particulièrement d’ordre financier (comment avoir une approche budgétaire et de facturation adéquate, par exemple, pour capter, les subventions ?), liées aux programmes disponibles au départ « cols blancs » (la part des cadres moins importante à l’international), logistiques (comment trouver des palliatifs à l’absence d’un campus tel que celui disponible en France ?), et plus encore culturelles (comment bien comprendre localement les réels besoins du Business et surtout être capable de les adresser ?).

Contributions : Rémy Genevaux, Amandine Lebreton, Cécile Marie, Marie-Elodie Marquet et Angélique Raynaud.