Formation : nouveau modèle et transformation de la fonction, par Nicolas Rolland
Nicolas Rolland
learning, innovation & culture director
axa france
L’environnement dans lequel nous nous vivons est marqué par une accélération du rythme des évolutions. En tant qu’entreprise, notre enjeu est d’être capable de s’adapter collectivement de manière continue au rythme du changement. Dans ce contexte, la place de la formation est clé…

La formation est en effet la pierre angulaire de la transformation. Sa mission d’anticiper l’évolution des compétences et de développer les collaborateurs et leur employabilité pour soutenir la croissance de l’entreprise et sa compétitivité prend tout son sens.

Pour apprendre aux rythmes du changement, les dispositifs traditionnels de formation ne sont plus adaptés car basés sur du déploiement en masse de compétences aux faibles taux d’obsolescence. Il devient donc nécessaire de réinventer nos dispositifs d’apprentissage et de développement. Parallèlement, en dehors du cadre du travail, nous avons modifié nos habitudes d’apprentissage. La technologie change le rapport que l’on a avec la connaissance puisqu’elle est désormais disponible pour tous, à tout moment et de n’importe où.

L’évolution du modèle de la formation en entreprise se trouve à la confluence de 2 exigences : 

1. Multiplier les opportunités de développement en proposant une diversité de modalités d'apprentissage

D'abord en s’appuyant sur le modèle expliquant que 70% de ce que l’on apprend vient des expériences en situation de travail (dont les participations à des projets, le mentoring, les feedback, les mobilités internes…), 20% provient des interactions avec notre réseau et 10% des formations structurées formelles. La direction de la formation doit proposer des opportunités d’apprentissage qui sortent des modèles traditionnels et structurés. Elle doit aussi capter et accompagner les apprentissages souvent déstructurés hors formations formelles et donc percevoir l’apprentissage dans une conception plus large que la «traditionnelle» formation.

Ensuite en construisant un écosystème multi-modal d’apprentissage : du "Présentiel" qui intègre des innovations pédagogiques tel que le design thinking, du "Digital" grâce par exemple aux apprentissages par mobile, serious games, MOOC et usage de vidéos, du "Social" par communautés dans le réseau social ou des réseaux de managers ou d’experts, de "L'Expérientiel" avec du coaching, mentoring, ou la mise en situation et l’apprentissage par l’action ou les "learning expeditions".

Enfin en travaillant sur l’environnement d’apprentissage : notamment sur des temps courts et fréquents, du feedback continu, du co-coaching… qui met le collaborateur en situation d’apprendre sur son lieu de travail.

2. Anticiper les évolutions de compétences distinctives et proposer des offres segmentées pour un apprentissage individualisé

Tout en sécurisant les «fondamentaux» et notamment des domaines d’expertise de l’entreprise, la formation se définit comme «proactive et prospective» en cherchant à anticiper les évolutions des compétences distinctives. La prise en compte systématique de la mesure de la progression des compétences tout au long des parcours proposés est un élément de changement. Tout en s’inscrivant dans une approche globale, la formation doit segmenter son offre et  modulariser ses parcours de développement pour les adapter aux différents segments de collaborateurs. Pour supporter cette individualisation l’interface de formation doit devenir "user-centric". L’apprenant doit se voir proposer des modules adaptés à son profil et avoir la possibilité de choisir des modules en fonction de ses besoins, de ceux identifiés par son manager ou de ceux suggéré par ses pairs.

Cette individualisation a pour corollaire la mesure de l’évaluation de la montée en compétence des collaborateurs ainsi que l’impact des formations. C’est cet indicateur qui doit permettre de mesurer l’efficacité des dispositifs déployés. Si l’indicateur de référence actuel, le JF (jour de formation), a toujours un intérêt et donc ne doit pas disparaitre, 2 autres types d’indicateurs doivent être définis : d'une part l’indicateur de mesure systématique des compétences acquises à la sortie des parcours (qui peut éventuellement prendre en compte la progression sur la/les compétences lors du parcours) ; d'autre part le cadre d’indicateurs robustes mesurant les autres moyens que la formation met à disposition des collaborateurs pour soutenir leur développement en complément des JF.

Cette transformation peut s'appuyer sur 2 leviers : la responsabilisation des managers et des collaborateurs dans leur propre développement en continu et l’évolution des capacités organisationnelles de la Formation et des interfaces/systèmes. Clé de cette transformation : le développement de nouvelles compétences dans les départements de la Formation, pour qu'ils soient à même de mettre en place des dispositifs répondant à ces nouveaux enjeux.

Nouvelles ambitions, nouveaux enjeux : un moment enthousiasmant pour la formation, car son rôle est au cœur de la transformation des entreprises ; moment crucial aussi car, comme pour toutes les autres fonctions qui ont dû s’adapter à un nouvel environnement, la trajectoire à prendre impose de définir de nouveaux repères, de nouveaux cadres sans abandonner les missions et expertises habituelles.