Longtemps les offreurs de formation ont pu se passer de partenaires.
Le choix qu’un organisme de formation faisait d’embaucher des formateurs permanents (ou au contraire de s’appuyer principalement sur des formateurs extérieurs) était certes d’ordre stratégique, mais sauf pour les organisateurs de conférences ce choix n’était en général pas contraint par l’impossibilité d’acquérir les compétences qui étaient alors sous-traitées. En effet les compétences clés restaient bel et bien dans l’organisme de formation : capacité d’identifier les thèmes de formation porteurs, d’en faire un premier design, de repérer les concepteurs ou formateurs, externes ou internes, qui allaient pouvoir produire et animer les formations, d’en assurer le marketing et la vente, puis l’organisation et la réalisation. En particulier, le rapport de force était, et demeure le plus souvent encore en faveur de l’organisme de formation : il est rare qu’un formateur dispose d’une telle compétence distinctive qu’elle lui confère un avantage concurrentiel décisif le mettant en position de force dans sa relation avec les maîtres d’oeuvre.
Et vint le e-learning.
Et ce constat inquiet des organismes de formation : les compétences à acquérir pour entrer sur ce marché sont fort éloignées du coeur de métier. Plusieurs compétences manquent cruellement. Dont la première, qui est une compétence de direction générale : la capacité à décrypter le nouveau monde et à construire une stratégie de diversification en prise avec les attentes des entreprises et des salariés, sans cannibaliser les métiers de base qui continuent de générer l’essentiel des revenus de l’organisme de formation. Cette compétence stratégique est fort peu répandue, comme en témoignent les expérimentations hasardeuses d'organismes de toutes tailles.
Dès lors que ceux-ci ont fait l’impasse sur la vision, rien d’étonnant à ce qu’ils rencontrent des difficultés à se doter des compétences nécessaires à la mise en oeuvre du Digital Learning. Des compétences diverses, attachées par commodité à des métiers encore émergents (concepteur de modalités e-learning, serious games, vidéos de formation, architecte blended learning,etc.) ; si ces compétences conservent un lien avec l’ingénierie de formation ou l’ingénierie pédagogique, elles supposent néanmoins la mise en oeuvre d’outils et de méthodes nouvelles pour les organismes de formation. Il en va de même, voire plus encore, des compétences nécessaires au choix et au déploiement des technologies numériques de diffusion (LMS ou autres). Difficulté d’imaginer où va le marché (et la croyance que « ça continuera comme avant »), coût élevé d’acquisition de compétences auxquelles répondent mal deux stratégies fréquemment vues à l'oeuvre depuis 10 ans : timidité paralysante ou fuite en avant toute, vers l'El Dorado pressenti.
Reste la voie privilégiée des alliances.
L'organisme de formation se concentre sur son coeur de métier (un coeur changeant, qui doit évoluer en s’approndissant). Il s'allie pour le reste avec des partenaires qui disposent des nouvelles compétences qui lui manquent et qui seraient trop coûteuses et lentes à acquérir.
Cela suppose un savoir-faire devenu majeur : la capacité à identifier et choisir ses partenaires, en prenant aussi en compte les affinités électives (culturelles) dans tous les domaines du Digital Learning (production multimédia, serious gaming, évaluations, plateformes LMS, gestion des compétences, etc.) ; la capacité à travailler en confiance en montant progressivement en puissance sur des projets dont chacun tirera le revenant-bon : l’organisme de formation, ses alliés, et le client bien sûr. Ce savoir-faire suppose une grande maturité : celle de l'organisme de formation sur son coeur de métier, sur laquelle compteront ses partenaires ; la maturité de l'organisation, car la transparence nécessite des processus indiscutables (au moins après qu'ils aient été discutés et admis) pour soutenir cette sorte de relation d'affaire. Ces alliances qu'on trouve fréquemment par exemple dans le monde du logiciel vont devenir la priorité des organismes de formation convaincus qu'ils ne pourront pas tout faire seuls. C’est-à-dire une priorité pour tous ! Elles sont finalement la traduction que la formation sort de l’artisanat pour entrer dans le monde du big business.
Michel Diaz
Tribune initialement parue dans Formaguide
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