Production e-learning : le goulet d’étranglement
Transformer les formations traditionnelles en e-learning «old school» continue de coûter cher ; les entreprises expérimentent : produire en interne ? Sous-traiter ? Entre l’un et l’autre de ces modes, les mouvements de balancier montrent que l’équilibre est difficile à trouver…

E-learning «old school» : ce qui prévaut encore largement dans  les entreprises. Penser «module e-learning», soit un film d’écrans à parcourir du début à la fin sans possibilité d’école buissonnière, linéarité oblige, plus ou moins vite en actionnant les boutons de magnétoscope en bas de l’écran. Durée : souvent encore 20 minutes et plus ; activités pédagogiques réduites : on ingurgite quelques messages, on passe l’épreuve d’un quiz (souvent une formalité) en fin de module. Pourtant, sous-traiter ces modules peut coûter cher (de l’ordre de mille euros la minute). Trop cher pour l’entreprise qui veut se doter d’un patrimoine e-learning conséquent, a fortiori quand des centaines de modules sont en jeu, ce qui devrait être le cas dans un portail de formation se voulant tant soit peu comparable aux portails Web habituellement utilisés par les salariés. Economies d’échelle grâce aux «templates» (modèles permettant d’industrialiser partiellement la création) ? Il ne faut pas trop y compter : s’ils peuvent s’amortir dans la durée, il ne faut pas en abuser, sauf à donner l’impression aux apprenants qu’ils suivent un peu toujours la même formation ! Quant aux avantages de collaborer avec le même petit groupe de fournisseurs (courbe d’expérience), ils sont notamment limités par le turnover des chefs de projet e-learning dans les studios de création.

Alors, produire dans l’entreprise ? C’est la solution qui vient tout de suite à l’esprit : remplacer les achats externes par du travail interne appuyé sur un outil auteur permettant d’accroître qualité et productivité du processus de création. Nombre d’entreprises s’y essayent, avec plus ou moins de réussite. Acquérir un outil auteur n’est pas le plus difficile : il y suffit de quelques centaines d’euros d’investissement et d’une formation de quelques jours ; formation à la manipulation des fonctionnalités de l’outil, souvent accompagnée des principes de base du design pédagogique multimédia. Le plus délicat est ailleurs : peu d’entreprises sont capables de maintenir durablement compétences et motivation internes en conception multimédia, notamment parce que le flux des modules à créer sera trop important (surcharge de travail pouvant occasionner le retrait du collaborateur si l’entreprise ne créée par une véritable équipe) ou trop faible au contraire (impossibilité de maintenir les compétences chèrement acquises). Seules peuvent réussir les entreprises disposant d’équipes intégrées, parce qu’elles auraient des volumes de production important. Encore cette internalisation ne doit-elle pas être au détriment de la qualité, car les patrimoines ainsi créés reposent souvent sur du rapid learning de qualité médiocre, ni de l’innovation qui conditionne la capacité durable du département formation à servir les attentes très évolutives des salariés et des métiers.

La création de modules est le principal goulet d’étranglement du chemin vers le e-learning, et il n’est pas rare qu’une entreprise teste divers modèles de production sans se satisfaire vraiment d’aucun. Une raison de plus pour s’appuyer sur les nouvelles possibilités du Digital Learning, notamment les contenus générés par les salariés (par exemple dans les discussions sur le Réseau Social d’Entreprise), la curation de contenus externes ou les MOOC.

Michel Diaz