Formation… on décroche quand ?
Le récent sondage IFOP - Wisembly sur les cadres au travail et leur comportement en réunion ouvre-t-il des perspectives sur ce que devrait être la « bonne » durée d’une formation ?

Résumé de l’étude : « Les cadres décrochent après 52 minutes de réunion »… Selon l’étude, 600 mille réunions se tiennent quotidiennement dans l’ensemble des entreprises françaises : un indicateur de cette réunionnite qui ne manque pas de frapper nos homologues européens ou anglo-saxons. Temps annuel qu’y passent les cadres : 23 jours, et jusqu’à 45 jours pour certains. Un total directement indexé sur la durée unitaire des réunions : 1 heure et 19 minutes en moyenne, alors que l’attention commence à baisser au bout de 52 minutes… D’où ces 27 minutes que l’étude taxe de « perdues », lesquelles représentent une perte annuelle de 8 à 17 jours de travail pour un cadre (une « perte » en salaire considérable, dans la mesure où l’étude pointe une forte corrélation entre le niveau de rémunération et la réunionnite).

Un lointain rapport avec la formation ? Pas tant qu’on le croit. D’abord, parce que le maintien de l’attention des apprenants est une question clé de tout dispositif de formation. Une question qui vaut pour la formation présentielle, au moins pour les formateurs qui ne satisfont pas de regards trop longuement dérivant ; une question a fortiori pour l’auto-formation qui requiert le plein engagement de l’apprenant.

Aucune raison pour que l’attention de l'apprenant ne se perde pas au bout de 52 minutes (à l’instar de l’attention en réunion) ; il est même hautement vraisemblable qu’elle se perde bien avant, compte tenu de l’effort particulier qui doit être fait pendant une formation : on parle volontiers de 10 minutes (c’est la thèse largement acceptée, que soutient John Medina, professeur de bioengineering à l’Ecole de Médecine de l’Université de Washington School).

Ce constat ouvre de belles perspectives à l’ingénierie de formation, et explique (avec d’autres facteurs, dont la pression sur les coûts) la baisse tendancielle de la durée des stages traditionnels depuis des décennies… Et celle des modules e-learning : leur durée tend progressivement vers ces 10 minutes (micro learning) qui semblent être la capacité d’attention moyenne d’un apprenant avant qu’il décroche. On peut saluer ce pragmatisme des concepteurs pédagogiques, qui prennent en compte l'apprenant tel qu'en lui-même et non comme d'autres souhaiteraient qu'il soit. ll ne faut cependant pas en rester là ! Les 10 minutes que dure cette "consommation" d'une ressource en ligne suppose que celle-ci soit particulièrement bien pensée : en tant que telle - objectifs, activités pédagogiques, évaluation, etc. - et plus largement dans le cadre pédagogique plus large (blended learning par exemple) qui lui confère un sens plus élevé.

Il n'y a pas de raison, non plus, que le stage traditionnel ne soit pas réexaminé autour de ce nécessaire découpage. Un stage conçu comme un ensemble de séquences, utilisant ou non les ressources digitales, de durée réduite (mais restant tout de même compatible avec l'économie générale du présentiel), pouvant suivre un fil (linéarité) et/ou permettant une sorte d'école buissonnière "guidée" par le formateur.

A moins qu'on préfère que les apprenant effectuent une autre activité pendant leur formation, à l'instar de ce que montre l'étude (8 cadres sur 10 se distrayant notamment par des échanges d’emails ou de SMS, voire travaillant sur d’autres dossiers).

Michel Diaz