Des achats de formation toujours plus professionnels
Rencontre avec Maryline Gesbert, Responsable du service observatoire-études au Centre Inffo, à propos de leur toute récente étude sur les pratiques d'achat de formation dans les entreprises et organisations françaises. Une incitation à l’exigence de qualité des formations, à la capacité d'accompagnement dans le développement des compétences des collaborateurs… et à l'audace quant aux opportunités d’innovation ouvertes par la réforme.

Quelles évolutions avez-vous pu constater dans les pratiques d'achat de formation des entreprises françaises ?

Maryline Gesbert : Le fait le plus marquant de ces dernières années est la mise sous pression des organismes de formation par les commanditaires. En matière d’achat, cela se concrétise par une rationalisation grandissante des procédures qui mettent sous contrôle et sous tension l’achat de formation. Ce phénomène est renforcé par le développement d’une conception utilitariste de la formation et par la loi du 5 mars 2014 qui, en mettant la qualité des formations au cœur du nouveau système, conforte cette approche.

Les achats ont-ils augmenté, diminué ?

Maryline Gesbert : Difficile à dire à partir de notre enquête. Ce qui est certain, c’est que les entreprises ont une approche de plus en plus pragmatique de l’achat de formation. Statistiquement, elles dépensent autant pour la  formation de leurs collaborateurs ; en revanche, elles achètent des formations de plus en plus courtes. Cela résulte, d’une part du fait que les responsables de formation doivent résoudre une formule économique complexe « former plus et mieux avec autant voire moins », et d’autre part qu’ils  prennent acte de certains paramètres tels que la demande sociale pour des formations plus rapides et centrées sur la pratique. Ce qui importe surtout aux entreprises actuellement,  ce n’est pas tant le combien que le comment - pour sécuriser les choix - et surtout le pourquoi - pour garantir l’utilité de leur investissement.  

Qui sont les acteurs de l'achat de formation dans l'entreprise ?

Maryline Gesbert : La tendance croissante, c'est celle d'une co-construction par différents acteurs. En effet, la réussite de cet achat réside avant tout dans la capacité d’analyse des problèmes et des besoins. Le responsable formation doit donc s’entourer des acteurs internes (responsable RH, responsable opérationnel, futurs stagiaires) nécessaires à la compréhension fine des objectifs et des résultats attendus, afin de construire un projet d’achat responsable donc efficace. Le service achat intervient le plus souvent à l’issue de cette étape, même si certaines entreprises font le choix d’un vrai travail en binôme (fonction formation + fonction achat) pour objectiver l’achat et contrôler le retour sur investissement. De la part de l’acheteur, cette approche requiert une véritable acculturation : comprendre les enjeux pour l’entreprise de la montée en compétences des collaborateurs et connaitre les exigences des apprentissages chez les adultes.

Est-ce qu’il y a un moment clé dans l’année, dans le cycle des achats de formation ?

Maryline Gesbert : Il faut distinguer l’élaboration du plan de formation qui obéit au rythme du calendrier légal de consultation et l’achat des actions de formation qui peut intervenir tout au long de l’année. Les pratiques sont variables selon les entreprises et les procédures d’achat. Le « gré à gré » s’accommode mieux du fil de l’eau alors que les appels d’offres, par le formalisme qu’ils induisent, sont parfois regroupés, le plus souvent en début d’année. Pour autant, les entreprises achètent également en fonction de leurs besoins conjoncturels. Quel que soit le cas de figure, il est attendu de plus en plus souvent des prestataires une réponse opérationnelle et « sur mesure ».

Quels sont les principaux critères d’achats des formations qui ressortent de l'étude ?

Maryline Gesbert : Les entreprises, en cohérence avec leurs exigences d’optimisation, attachent une grande importance à la contextualisation des formations et à leur opérationnalité en situation de travail. Elles privilégient donc les prestataires qui sont experts de leur secteur / domaine, avec qui elles ont une antériorité de collaboration réussie, qui sont dans une démarche d’écoute et de partenariat et qui s’engagent sur les résultats.

Par ailleurs, ce qui est très palpable actuellement, c’est l’intérêt suscité par les modalités digitales d’apprentissage. Nombreux sont les responsables de formation qui souhaitent faire évoluer leurs choix pédagogiques en ce sens, mettant en avant des avantages de coût et de flexibilité.  Cette tendance est confortée par la réforme de 2014 qui, en sécurisant les actions séquentielles et distancielles laisse présager le développement de modalités innovantes de formation. Concernant cette réforme, on imaginer qu'une fois passée l’inévitable période d’appropriation, elle pourrait aussi renforcer les exigences des entreprises en matière de ROI et d’innovations, sur ses dépenses volontaires. Quant au compte personnel de formation, il pourrait avoir un effet dopant sur l’achat de formations certifiantes et modularisables. 

Quels sont les enseignements de l’enquête de Centre Inffo qui pourraient être utiles aux responsables formation ?

Maryline Gesbert : Etre intransigeant sur l’exigence de qualité des formations, aussi bien que sur l'importance d'accompagner le développement des compétences des collaborateurs, facteur clé de la performance de l’entreprise. Etre audacieux pour accueillir les opportunités d’innovation ouvertes par la réforme, vers une formation tout au long de la vie, partout et tout le temps.

Propos recueillis par Michel Diaz