Plateforme LMS : open source ou commerciale ?
La plupart des grandes et moyennes entreprises françaises sont aujourd’hui équipées d’une plateforme LMS (57,2%, selon une récente étude du cabinet Féfaur) voire de plusieurs plateformes (22,1%) ; le plus souvent des plateformes "commerciales", qui auraient définitivement pris le pas sur les LMS open source ? Éclairage.

Au moment de lancer son appel d'offre LMS, l'entreprise se pose parfois la question de l'open source : est-il ou non judicieux d'y inclure ce type de plateformes ? Peuvent-elles répondre aux attentes des utilisateurs, aux contraintes de déploiement et d'exploitation dans l'entreprise, etc. ? Une interrogation sensée, car l'open source a la réputation d'être, sinon gratuit, moins coûteux qu'un logiciel commercial, la seule dépense encourue semblant être celle du paramétrage initial (le plus souvent par un intégrateur extérieur) et du support technique assuré par l'informatique quand la plateforme est installée en interne. Dans tous les cas, il est admis que l'entreprise économisera sur les licences logicielles ou les abonnements (d'une plateforme Cloud), dont les coûts augmentent avec le nombre d’utilisateurs.

Passons sur la confusion entre open source et gratuité, pour aller à l'essentiel : le schéma précédent part de l'hypothèse erronnée de périmètres fonctionnels (LMS commerciaux et open source) similaires et aptes à répondre de manière aussi satisfaisante aux attentes des entreprises de tous secteur d'activité, taille ou nationalité. C'était le cas il y a dix ans ; ça ne l'est plus aujourd'hui : le « fonctionnel » des LMS commerciaux s’est en général enrichi bien au-delà de celui des plateformes open source, comme on pourrait s'en convaincre par  la comparaison entre Cornerstone OnDemand, MOS-MindOnSite, Saba ou Syfadis (pour ne citer qu’elles) et Moodle ou Ganesha. Un enrichissement pas tant sur le coeur fonctionnel formation que sur les fonctionnalités de confort offertes aux divers utilisateurs, pour ne pas insister sur les fonctionnalités permettant d’articuler gestion de la formation et des compétences ou des talents : les plateformes commerciales sont ici les mieux armées (qu'elles intègrent ces fonctionnalités nativement ou qu'elles disposent des connecteurs pour s'interfacer facilement avec un SIRH ou un "Talent Management System").

C’est une limite du fonctionnel LMS open source : sa faible base installée dans les entreprises le prive d’une connaissance des attentes et des retours d’expérience des salariés, connaissance qui constitue une précieuse source d'inspiration pour la R&D du secteur LMS marchand. Cela vaut aussi pour le design : certains portails générés par l'open source peuvent donner l'impression de courir après ceux des meilleurs LMS commerciaux.

Fonctionnalités, design, souplesse de paramétrage : le cloud est passé par là, qui met à mal le modèle économique de l’open source principalement fondé sur les prestations de paramétrage et d'intégration du LMS facturées par les intégrateurs ; ces prestations peuvent générer des revenus élevés quand l'entreprise demande des développements spéficiques. Le mode Cloud permet de réduire fortement ce type de charge : le paramétrage se fait autour d'un code source logiciel unique, par l'activation de services Web différenciés en fonction des besoins des utilisateurs. Open source et cloud peuvent certes faire bon ménage dans le champ LMS (Totara, par exemple), mais il reste que la généralisation du Cloud a changé la donne (comme en témoignent plusieurs grands projets en cours de migration vers un LMS commercial, d’entreprises jusque-là équipées de Moodle).

Reste la question de la gratuité des licences open source… L'histoire qu'on voit se dessiner montre un déplacement de la valeur, du logiciel vers les données. C'est à celles-ci que les principaux fournisseurs accorderont bientôt la plus grande valeur, et aux infinies possibilités offertes par leurs outils d'analyse ; on peut imaginer un avenir (lointain, mais plus une simple vue de l'esprit) où l’abonnement à une plateforme LMS Cloud sera en partie gratuit, à l’instar du modèle LinkedIn. L'open source perdrait alors un argument de poids.

Michel Diaz

Tribune initialement parue dans Formaguide