Evaluation de la formation - Saison 1
Quelques questions posées à des acteurs (à divers titres) de l'évaluation de la formation : Quels sont selon vous les principaux enjeux de l'évaluation ? Les raisons d'évaluer sont-elles d'actualité ? Points de vue, largement convergents.

Mathieu Heidsieck (XPERTeam, Directeur commercial et marketing) : L'évaluation doit être au cœur de tout dispositif de formation efficace ; elle concerne toutes les phases du processus d'apprentissage : c'est un outil d'organisation, de pilotage, de validation. L’évaluation des formations contraint en effet à une clarification des objectifs qu'on lui fixe.  Elle éclaire le formateur sur le niveau et les besoins des apprenants. Elle joue un rôle clé dans l’apprentissage, permettant aux apprenants de se positionner, d’assumer une responsabilité accrue dans leur propre formation. Ensuite, elle permet de mesurer son efficacité. Autre dimension : les entreprises françaises sont de plus en plus soumises aux pressions réglementaires. Elles doivent "prouver" leurs efforts en termes de prévention, elles sont dans l'obligation de démontrer les aptitudes de leurs salariés. Par ailleurs la certification des formations, fortement mise en avant par les textes de la Réforme de la formation professionnelle, vise à reconnaître un niveau de compétences atteint à l’issue d'une formation. Enfin en complétant la norme SCORM, le nouveau standard xAPI (TinCan) étend le champ des possibles en termes d’observation et il devient réalisable d’évaluer l’impact réel des actions de formations sur le terrain.

Jonathan Pottiez (Formaeva, Directeur Produit et Innovation) : Pour faire court, l'évaluation sert trois grands enjeux : améliorer le programme de formation, maximiser les résultats organisationnels et démontrer la valeur du programme de formation. Jusqu'à maintenant, les pratiques d'évaluation étaient surtout focalisées sur le premier objectif : les responsables formation évaluaient la "qualité" de la formation, ceci afin d'en améliorer les différentes composantes (contenu, méthodes, animation.…). La réforme de la formation change la donne et il est désormais attendu des responsables formation qu'ils répondent davantage aux deux autres objectifs. Il ne s'agit plus ici d'évaluer la "qualité" d'une formation mais bien d'en évaluer l'efficacité réelle pour l'entreprise, en termes de résultats concrets. La question de l'évaluation est donc on ne peut plus d'actualité car le contexte légal, mais aussi économique, incite les dirigeants à s'interroger sur la valeur ajoutée des formations. Je pense que 2015 est une année transitoire, celle de la prise de conscience et du début du changement de pratiques. Au-delà, les excuses ne seront plus tolérées. Il y aura donc des implications énormes pour l'avenir de la fonction formation.

Cormac O'Keeffe (Yes'N'You, Chief Learning Officer) : Les entreprises sont soucieuses de choisir les formations les plus pertinentes et les plus efficaces pour leurs salariés, à fort enjeu. Or les pratiques d’évaluation ne fournissent pas toujours les informations nécessaires pour faire le meilleur choix. Selon le modèle de Kirkpatrick (1959), l’évaluation d’une formation se fait sur plusieurs niveaux : 1) La réaction : évaluation de la satisfaction des stagiaires ; 2) L’apprentissage : évaluation pédagogique (formative ou sommative) de la formation ; 3) Les comportements : évaluation de la mise en pratique des compétences acquises au poste de travail des stagiaires ; 4) Les résultats : évaluation de l’impact de la formation sur la productivité de l’entreprise et la qualité du travail. Les deux derniers niveaux, les plus difficiles à évaluer, sont les plus intéressants. Ceci dit, si 90% des entreprises évaluent la satisfaction, 80% n’évaluent pas les résultats, alors que les technologies permettent aujourd'hui d’évaluer l’impact de la formation dans les activités quotidiennes des salariés pour le bénéfice de l’entreprise.

Thomas de Praetere (Dokeos, CEO) : La France a une réputation d'excellence dans certains domaines comme le pharma ou l'aéronautique, mais elle peine à occuper la place qui lui revient dans un marché mondialisé, confrontée à des entreprises anglaises, américaines et asiatiques qui pratiquent l'évaluation à travers des politiques de lean management. Nous avons perdu du temps en associant formation et évaluation. Il est préférable de séparer les deux activités : laisser chercher et se tromper quand on apprend et évaluer en-dehors du contexte de formation. Il faut renoncer aux dispositifs d'évaluation complexes créés par des théoriciens de la pédagogie qui ne comprennent pas les enjeux des entreprises. Un simple questionnaire à choix multiple construit à l'aide d'un logiciel efficace permet d'évaluer un ensemble de compétences et de dresser la carte des compétences de chacun pour l'aider à aller plus loin.

Nicolas Hernandez (360Learning, CEO) : L’évaluation de la formation est un sujet extrêmement important : sans feedback, aucune amélioration n’est envisageable. Or l’amélioration continue, permanente, c'est la clé du succès avec le digital. Mais évaluer ce feed-back formation n'est pas simpe, car l’équilibre entre quantitatif etqualitatif est difficile à trouver. L'excès de mesure et l’alourdissement des process correspondants sont à éviter ; il faut alléger, pour viser la rapidité et l’efficacité, être pragmatique : dans le cas des MOOC par exemple où il y a beaucoup de participants, un échantillon de quelques centaines d'évaluation peut suffire.  Ensuite il s'agit de savoir si l’on évalue le contenu de la formation, le formateur ou les compétences acquises. Bien entendu, je préfère mesurer les compétences, mais c’est la mesure la plus délicate à réaliser ! Il faut à chaque fois proposer un éventail de solution et de méthodologies, et s’adapter au contexte.

Actualité : Séminaire Évaluation Féfaur le 19 mars à Paris ; une centaine de décideurs formation-RH sont attendus sur la thématique « Construire votre stratégie d’évaluation de la formation » - un chantier prioritaire en 2015