Le numérique envahit la sphère RH. Cause et conséquence à la fois de profondes transformations qui imposent aux DRH d’anticiper, de réagir toujours plus vite et justement, de servir des salariés devenus consommateurs de services RH, sur fond de budgets serrés. |
Recrutement ? Les vieux documents ont disparu : le CV de deux ou trois pages est progressivement remplacé par le profil toujours plus complet que le « talent » renseigne sur LinkedIn, Facebook ou Viadeo (pour ne citer qu’eux, car de nouveaux services Web apparaissent tous les jours (enfin, presque)). Du coup, l’offre d’emploi passe après : tous ces profils en ligne donnent des idées, ils permettent d’anticiper ; l’entreprise peut « faire son marché » sans avoir même à publier une annonce en bonne et due forme, sans avoir à mettre la puce à l’oreille de sa concurrence. La DRH se retrouve privée de ces CV qui arrivaient quotidiennement au service courrier, à l’heure des croissants, amputée aussi des jobs descriptions qui finissaient dans les offres d’emploi du Figaro… Tristesse pour les dinosaures, satisfaction pour les autres, en particulier ces nombreuses entreprises dont les budgets de recrutement ne pouvaient rivaliser à coup d’annonces pleine page.
Gestion des talents
L’entretien d’appréciation, son mode d’emploi, son formulaire, longuement mûris par la DRH pour accompagner un antique cérémonial ? En voie de disparition eux aussi, sous les coups de butoir du numérique. Nouveau format : la saisie temps réel des évaluations, par le manager et le collaborateur, et la négociation – actualisation tout aussi temps réel des objectifs et des moyens de les atteindre. Une faculté offerte par les plateformes de gestion des talents, résolument « orientées talent » : comprendre que la fonction RH est au service de celui-ci, comme l’entreprise est au service de ses marchés. Le talent comme « client interne » qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu, pour éviter le risque qu’il coure à la concurrence. Au reste, peut-on encore parler d’entretien d’appréciation, alors que l’entreprise s’organise en vue d’un benchmarking permanent de sa performance ? On ne s’étonnera pas de l’application qu’en fait, là aussi, le numérique… La performance converge progressivement vers des standards toujours mieux formalisés, toujours plus élevés, dans des référentiels d’autant plus souples qu’ils peuvent être rapidement actualisés des réalisations du terrain.
Renouveau de la formation
Recrutement, intégration, évaluation, gestion de la performance… Gestion de la formation aussi, ça va sans dire, que le digital transforme en profondeur, au point de mettre à mal tout un secteur d’activité autrefois florissant (la formation traditionnelle). Si l’on veut s’arrêter un instant sur ces ruptures en cours, on reconnaîtra quels puissants moteurs les animent… Cette accélération qu’on vient d’évoquer, et qui concerne tous les processus RH, suppose une DRH capable d’anticiper (se mettre en position de recevoir la balle avant qu’elle ait quitté la raquette de l’adversaire) et d’exécuter très rapidement avec la plus grande justesse. Cette transformation du salarié, du talent en client interne, suppose un sens marketing aiguisé (stratégique, opérationnel), la capacité de délivrer des services RH répondant aux attentes toujours en chantier des métiers et des salariés. Le tout sur fond de restrictions budgétaires dont se plaint régulièrement la fonction RH. Ces évolutions, on le notera, sont toutes conséquences et causes à la fois de la numérisation / « cloudisation » en cours… Où l’on comprend qu’il est décidément vital et urgent pour les DRH de développer une culture numérique qui n’a pas toujours été leur première préoccupation.
« Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur », disait Jean Cocteau. Difficile, pour la fonction RH, d’être en-deçà de ce programme minimum !
Tribune initialement parue dans Focus RH sous la signature de Michel Diaz
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