MOOCs ? Mes états d'âme de formateur…
Tenants du « présentiel » que nous sommes, voilà nos pratiques remises en cause par l’arrivée massive du digital… Une source d’inquiétude, certainement… Surtout d’opportunités en fait ! L’opportunité de revisiter ce métier de consultant formateur qui est ma passion !
Nous sommes nombreux à nous poser des questions ! Surtout avec la montée en puissance des MOOCs… Ce MOOC "du manager au leader", par exemple, proposé par le CNAM sur F.U.N. (le portail France Université Numérique), dont le thème - "management et leadership" - vient directement concurrencer mon cœur de métier.

Et d'emblée cette ambivalence… Ils "industrialisent" et massifient au-delà de ce que je n'ai jamais osé ou pu faire ? Et si c'était une belle opportunité de réinstaller l'analyse des besoins de formation au centre de mes pratiques ?

Digital et Web envahissent ce que je croyais être mon pré carré, stable, avec ses acteurs et ses processus qui semblaient gravés dans le marbre depuis des décennies, à l'instar d'Amazon dans l'univers des libraires… Menace ? Ou bien l'occasion en or de m’approprier enfin des outils du e-learning, du community management et autres classes virtuelles qui pourraient être intégrés dans mes dispositifs de formation… (c'est déjà le cas !)

Bien sûr, c'est nouveau, et le présentiel c'était quand même mieux ! La locomotive à vapeur aussi ! La formation traditionnelle serait donc mieux que ces MOOCs qui osent les interactions entre apprenants, le co-développement, malgré la distance et le mur des écrans ? J'y vois au contraire la possibilité de tenter l'aventure de la "classe inversée"… Tout comme celle d’avancer dans toutes les modalités de formation induites par le digital. Car les MOOCs ne négligent pas la dimension sociale des apprentissages, ils ne signent pas la fin de l'humain dans la formation… Seulement celle d'une forme de lien, finalement très restreint, qui relie le formateur aux apprenants dans l'espace et le temps limités du stage en salle.

Autre antienne : il faut parfois se méfier des informations qui traînent sur le Web. C'est vrai, mais on peut voir le verre à moitié plein : je peux en profiter pour apprendre à mes "stagiaires" comment "apprendre à apprendre" grâce au Web, comment trouver la "bonne information", la valoriser, la compiler, l'analyser, la partager…

Au fond, faut-il craindre l’arrivée des MOOCs, en particulier parce qu'ils tueraient le juteux business de la formation ?

Ce serait bien le cas, si je n'étais qu'un présentateur de PowerPoint. Mais j'ai toutes ces cordes à mon arc : tout ce que j'ai appris sur l’apprentissage, l’ingénierie de professionnalisation, la didactique professionnelle, et ce corpus si riche, en appui, des sciences de l'éducation qui n'ont cessé de enrichir depuis 30 ans. Par exemple l'occasion de décliner vraiment la (trop) fameuse "méthode participative" sous toutes ses nuances, bien au delà des lieux communs et des approximations... L'occasion en fait, pour nous tous, ingénieurs pédagogiques, de mobiliser pleinement ce pour quoi nous avons été formés, tout ce temps passé à étudier, et de poursuivre avec passion cette mission de transmettre…

Finalement ces MOOCs, ils me sont plutôt sympathiques !

Philippe Baugé

Stratégies de développement des compétences