De l’importance d’évaluer ses formations en 2014
Interviews croisés d'Alain Meignant et de Jonathan Pottiez à l'occasion de la sortie du livre de Jonathan Pottiez, "L'évaluation de la formation - Piloter et maximiser l'efficacité des formations" (Dunod) et de leur matinale de présentation et d'échanges du 16 janvier prochain…… Leur sentiment sur ce que réserve 2014 en matière d’évaluation des formations...
En quoi le contexte est-il propice à l'évaluation des formations ?

Alain Meignant :
La crise économique que nous traversons pose avec une insistance croissante la question de l’efficacité de notre système de formation. Des milliards d’euros lui sont consacrés chaque année. Chacun est en droit de s’interroger sur ses retombées. Les dirigeants d’entreprise demandent aux responsables formation, comme ils le demandent à tous les responsables d’investissements immatériels, des preuves d’efficacité de cette dépense. Sans réponses claires, on ne peut pas s’étonner, et encore moins s’indigner, qu’ils voient dans le budget formation une source d’économie potentielle de dépenses “sociales”, et que, par ailleurs, ils explorent la possibilité d’un meilleur rapport qualité/coût par des prestations externalisées.

Jonathan Pottiez : Il est vrai que nombreux sont les responsables formation à accoler les termes “investissement” et “formation”, attirant ainsi l’attention de leur direction générale qui s’attend, logiquement, à connaître les fruits de cet investissement. Les responsables formation n’ont donc plus le choix : ils doivent prendre le problème à-bras-le-corps et montrer autre chose que des taux de satisfaction des participants… Si le sourire de ces derniers, à l’issue d’une formation, demeure un indicateur “sympathique”, il est loin d’être suffisant pour convaincre une direction de l’utilité de la formation !

Quel impact pourrait avoir la réforme de la formation professionnelle continue qui se profile sur les pratiques d'évaluation ?

Alain Meignant :
Si la réforme en cours supprime effectivement l’obligation légale de financement du plan de formation (le fameux “0,9 %”), elle va provoquer des remises en cause sérieuse des routines. L’obligation constituait une sorte de « protection légale » du responsable de formation. Si elle est supprimée, ce bouclier administratif disparaîtra, et ils seront jugés sur leur seule capacité à apporter des solutions formatives efficaces aux besoins de compétence de l’entreprise et au renforcement du professionnalisme des salariés. C’est le cas pour leurs collègues de la plupart des autres pays développés. C’est une bouffée d’oxygène pour imaginer des solutions efficaces débarrassées du carcan administratif de l’imputabilité, et c’est aussi une exigence accrue de maîtrise de l’évaluation des résultats obtenus. Pour ma part, je conseille depuis longtemps les responsables de formation de travailler comme si l’obligation légale de financement devait être abrogée le lendemain. Cela reste vrai, quel que soit le résultat du processus législatif qui s’amorce et qui peut recéler des surprises. Beaucoup l’ont fait, d’autres sont restés enfermés dans des routines où la seule évaluation réelle portait sur la conformité administrative. Ceux-là vont devoir bouger.   

Jonathan Pottiez : Nous allons probablement nous rapprocher de ce que font les responsables formation des autres pays. Par exemple, aux États-Unis, il est fréquent de suivre des indicateurs de résultats appliqués à la formation, avec au numérateur le chiffre d’affaires ou la valeur ajoutée et au dénominateur les coûts de formation. Symboliquement, l’image est forte : la formation est gérée et présentée comme un investissement lié aux résultats, non comme une dépense valorisée en pourcentage de la masse salariale… En l’absence d’obligation, tout dirigeant soucieux de la bonne gestion de son entreprise ne pourra tolérer l’absence d’indicateurs clairs sur l’impact de la politique de formation.

Par quoi devraient commencer les responsables formation qui souhaiteraient prendre le problème à bras-le-corps en 2014 ?

Alain Meignant :
Au moment où nous parlons, en décembre, la loi n’est pas encore déposée (on annonce le 22 janvier) et les plans de formation 2014 sont bouclés. Paradoxalement, les jeux de l’évaluation sont déjà faits ! C’est en effet au moment de l’analyse des besoins que doivent être définis les objectifs de formation, pensées les méthodes d’évaluation… avant même de penser aux programmes ou aux prestataires. Mais cela n’empêche pas de travailler rapidement sur quelques programmes de formation à forts enjeux et de dérouler l’approche du retour sur les attentes, présentée dans l’ouvrage de Jonathan. Ce serait l’occasion de montrer à la direction générale que le chantier “évaluation” est engagé, et de faire de 2014 une année de transition pour se préparer à des changements significatifs en 2015.

Jonathan Pottiez : La suppression du 0,9 % et de la notion d’imputabilité va probablement “libérer” la formation sur le plan pédagogique. Et il est assez intéressant de constater sur les réseaux sociaux que les responsables formation fourmillent d’idées à ce sujet… Mais toutes celles-ci, aussi pertinentes soient-elles, risquent de ne jamais être mises en œuvre si l’on ne se donne pas les moyens d’en évaluer l’efficacité. Présentiel, e-learning, blended learning, micro learning, mobile learning, MOOC… Une direction générale n’a que faire du format et de ce jargon ! Aux responsables formation de lui présenter des résultats et, accessoirement, d’assurer leur avenir.

Pour s'inscrire : Matinale donnée par Alain Meignant et Jonathan Pottiez

Propos recueillis par Michel Diaz