L’étude Féfaur-ANDRH traduit bien ce que les responsables RH entendent par « talent »… et le chemin parcouru, et restant à parcourir pour s’aligner sur une conception portée par les entreprises anglo-saxonnes… et leurs fournisseurs de solutions logicielles |
Talent : moins que génie, bien sûr, mais tout-de-même… Avoir du talent a longtemps été réservé aux artistes, voire aux artisans, avant que la pub ou la mode s’en emparent : une direction artistique talentueuse, un styliste qui a du talent… Posséder du talent justifiant l’être : je suis un talent ! Cet élitisme - le talent réservé à quelques-uns - n’est plus de mise depuis longtemps : la démocratisation anglo-saxonne est passée par là : nous sommes tous, individuellement, sinon des talents, au moins nous avons le potentiel de l’être.
Démocratisation qui trouve sa traduction dans l’étude Féfaur-ANDRH publiée au printemps 2013 : 88% des responsables RH interrogés considérant que le talent s’identifie par la performance, 85% par le potentiel. Soit, toutes celles et ceux qui sont performants ou qui « peuvent faire mieux » : beaucoup de monde, sans exclusive, au moins en théorie, car les critères d’âge (8%), de mobilité (4%) et de diplôme (3%) ne semblent pas primordiaux pour les DRH sondées…
Cette généralisation du talent comme capacité de monsieur et madame tout le monde est une modernité de plus, promue par de puissants moteurs. D’abord les salariés eux-mêmes qui, en nombre croissant, considérable, tiennent à jour leur profil et publient (ou « forwardent » les posts de tiers, c’est moins laborieux) sur les grands réseaux sociaux - influence d’une génération Y qui, faute d’avoir déjà le pouvoir dans l’entreprise (patience !), donne au moins le ton. Les entreprises ensuite, persuadées que la gestion du talent - attirer, fidéliser, développer - est à même de ravaler les vieux business models mis à mal par le Digital… De fait, le secteur des nouvelles technologies fait abondamment référence au talent comme à la chose la mieux partagée du monde. Les éditeurs de solutions logicielles y trouvent leur intérêt bien compris : mieux vaut abonner tous les salariés d’une entreprise, grande ou moyenne à un service cloud, que les quelques « hauts potentiels » et futurs dirigeants qui semblaient autrefois avoir reçu le talent en apanage.
Une illustration encore que les concepts managériaux qui travaillent les entreprises sont largement structurés par la technologie et les forces de son marché. On ne s’en plaindra pas en l’occurrence, si les moyens sont ainsi donnés à tout salarié d’exprimer… son talent !
Tribune initialement parue dans Focus RH sous la signature de Michel Diaz
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