La conférence donnée par Sarah Lenoir, avocat au cabinet Alain Bensoussan, lors des récentes Rencontres du e-learning et de la formation mixte a permis d’identifier les risques pris par les entreprises qui ne s’assureraient pas de leur bon droit à exploiter les modules e-learning développés par leur prestataire ou leurs salariés… |
La question est d’emblée posée par Sarah Lenoir : « Quid de la protection juridique et de l’exploitation des modules de formation et des plateformes e-learning ? » Avec un rappel bien venu : « Toutes les oeuvres de l’esprit originales sont protégées par le droit d’auteur quel qu’en soient le genre, la forme, le mérite ou la destination », ce qui peut s’analyser dans le prisme de trois conditions cumulatives : forme d’expression, qualification d’oeuvre de l’esprit, originalité. Du point de vue de la première - la forme d’expression - les modules e-learning, qui sont de plus bel et bien formalisés et matérialisés, sont protégés par le droit d’auteur. La longue liste citée par Maître Lenoir - depuis les livres aux logiciels en passant par les conférences ou les oeuvres photographiques pour ne citer que ces médias - ne laisse pas plus de doute : pareil module est qualifiable d’oeuvre de l’esprit. L’originalité quant à elle émane en particulier de l’empreinte de la personnalité de l’auteur… Ce qui se complique dans le cadre d’une production collective !
Au fond beaucoup d’éléments d’un contenu e-learning sont susceptibles de supporter des droits d’auteur : le graphisme, les mascottes ou les personnages, leur animation, les photos utilisées, le son, la musique, les vidéos, jusqu’à l’organisation de l’écran lui-même ! Avec deux exceptions essentielles : ni le contenu information ni la méthode pédagogique ne peuvent être protégées… Au moins dans une certaine limite.
Le contrat de commande ou le contrat de travail, lorsque le contenu multimédia aura été respectivement créé par un prestataire extérieur ou un salarié, va servir à déterminer qui est titulaire des droits. Comme l’indique Sarah Lenoir : « La cession des droits doit être gérée dans le cadre d’un contrat… d’autant plus qu’il n’y a aucune corrélation entre le financement de la réalisation d’une création intellectuelle et l’attribution des droits de propriété intellectuelle »… Concrètement, ce n’est pas parce que l’entreprise a payé le fournisseur ou les salariés qui ont créé le module qu’elle est automatiquement propriétaire de celui-ci ! Deux exceptions notables toutefois : les logiciels créés par les salariés, encore une fois dans une certaine mesure, et les oeuvres dites plurales - collectives ou oeuvres de collaboration - mais attention aux contestations.
Autre remarque : si l’entreprise peut acquérir les droits dits patrimoniaux qui lui permettront d’avoir le monopole d’exploitation de ses ressources numériques, elle n’en possédera jamais les droits moraux - droit de divulgation, de repentir, de paternité, droit à l’intégrité de l’oeuvre - qui sont incessibles : l’auteur reste l’auteur, même s’il a cédé le droit d’exploiter son travail.
Les nombreuses questions d’une audience choisie de responsables formation ont montré que ces aspects étaient sinon méconnus au moins sous-estimés par des entreprises qui manquent souvent de vigilance dans la protection de leurs droits. Il n’est jamais trop tard pour bien faire : les modèles de contrat existent, ils peuvent être adaptés par le service juridique de l'entreprise avec l’aide éventuelle d’un avocat… Un investissement qui peut se révéler fort judicieux en cas de conflit ! D’autant plus que cette consultation pourra aussi englober ce qui touche à la plateforme e-learning, aux données utilisées, à la Loi Informatique et Libertés ou encore au droit de la formation… Des domaines aussi traités lors d’un exposé qui aura décidément été instructif !
Michel Diaz
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