Salman Khan réinvente l'éducation… et la formation professionnelle ?
Sortie de la version française de la Khan Academy… 250 vidéos d'enseignement disponibles pour commencer, 800 d'ici la fin de l'année, grâce à Bibliothèques sans frontières et Orange, ses partenaires en France… L'occasion de constater la puissance potentielle (et d'ores et déjà effective dans le monde anglo-saxon) d'un modèle qui pourrait un jour toucher le monde de l'entreprise…
C'est sur YouTube : la vidéo de promotion de la Khan Academy sur le marché français, et bien sûr la plateforme elle-même, avec pour le moment 250 vidéos… YouTube qui conforte au passage son statut de méga place de marché de l'éducation. Un défi qui attise les convoitises de prétendants qui ne manquent pas de moyens - Google (maison-mère de YouTube), Facebook, Coursera, EDx… - et plus généralement des acteurs fort nombreux qui tentent de s'imposer dans ce vaste ensemble auquel appartient aussi le phénomène des MOOC : les places vont devenir chères.

Réinvention, révolution dans l'enseignement : c'est toute l'ambition de Salman Khan, qu'il décrit en détail dans son livre paru chez JC Lattès le 28 août dernier "L'éducation réinventée". Premiers faits d'armes en 2006 aux Etats-Unis : le jeune auditeur financier décide d'apporter un soutien en math à sa petite nièce en lui donnant des cours à distance via YouTube : tableau noir à l'instar de celui d'un cours traditionnel, filmé, diffusé avec les commentaires du prof (Salman lui-même). Depuis, au rythme annuel de 400% de croissance, la Khan Academy a reçu 140 millions de visites… Visites et exercices, car la plateforme permet en effet de s'entraîner et de s'évaluer grâce à un outil intégré.

Mine de rien, Salman Khan est, sinon à l'origine, au moins un formidable promoteur de l'approche "classe inversée" (flipped classroom) : les connaissances sont acquises par les étudiants en ligne, en dehors du cours présentiel qui est réservé aux exercices pratiques et aux compléments… Ce qu'on voit aussi à l'oeuvre dans les schémas blended learning les plus courants en entreprise. Terreau favorable aux Etats-Unis, car les étudiants sont habitués de longue date à ces classes inversées, qui existaient bien avant l'apparition du Web, et qui ont inspiré par exemple l'approche "études de cas" dans les grandes écoles de commerce hexagonales.

On est curieux d'avance de l'accueil qui sera fait en France à la Khan Academy, en particulier par le corps enseignant qui, loin d'être remplacé par cette approche, voit au contraire son rôle potentiellement enrichi… Le défaut d'équipement informatique des élèves pourrait néanmoins constituer un obstacle, et plus encore celui des classes, car le continuum théorie-pratique suppose que le composant distanciel du dispositif soit accessible aussi dans la salle de cours. Autre difficulté relevée par les pédagogues : ce sont les élèves les plus à l'aise dans la prise de parole en public qui tireront les plus grands avantages de cette approche.

On peut se faire une idée des cours disponibles - courts, sonorisés (des voix de prof qui la jouent "djeun"), découpant le savoir en fine tranche : "les nombres négatifs et la valeur absolue"… Simple, nomade, efficace : la pédagogie par évaluation jouera un rôle majeur.

C'est gratuit. Les organismes de soutien en math se préparent des sueurs froides… Un modèle qui pourrait aussi donner matière à penser au secteur de la formation professionnelle continue.

Visite : Khan Academy

Michel Diaz