La formation professionnelle en France, éclairée par l'Observatoire Cegos…
La FPC en France, vue par les salariés et les DRH, sa comparaison avec la formation comme elle va chez nos voisins… Il semble qu'on soit entré dans l'ère des ruptures…
La récente étude Cegos vaut par ses choix : donner la parole aux salariés et aux DRH, en France et dans 4 autres grands pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni), sans mégoter sur l'échantillon : 2.470 salariés, 600 DRH.

Premier enseignement : celui d'une désillusion certaine des DRH français sur l'efficacité (l'utilité ?) de la formation dans le développement des compétences : 23% seulement continuent d'y croire. Surprise ?… Ils sont à 44% à considérer que leur priorité, leur contribution essentielle en matière de FPC, est d'améliorer l'administration de la formation - effet de l'empilement de réformes qui finissent par fatiguer les énergies et noyer l'essentiel ? Effet, aussi, sans doute d'un fossé à combler (mais il semble s'accroître) entre les DRH et le business, voire entre les DRH et la Direction générale : ils ne sont que 15% à juger prioritaire de développer leur rôle de conseil auprès des managers, contre 41% en 2009… Même scepticisme quant à l'articulation entre la politique formation et la stratégie d'entreprise : une priorité pour 28% des DRH (versus 56% en 2009)… Une réalité bien éloignée de la vision d'un DRH "business partner"…

Ce pessimisme traduit sans doute les interrogations de la fonction RH face à la numérisation des domaines dont ils sont en charge. Le numérique est en train de bouleverser celui de la formation et de redistribuer des rôles qu'on croyait gravés dans le marbre. Collaborateurs et managers disposent aujourd'hui des possibilités de s'affranchir d'une partie des services qui étaient traditionnellement portés par les RH… Illustration : les managers restent la principale source d'information des salariés en matière de formation (50% contre 39% pour les DRH). Si l'on y ajoute que 56% des salariés sont à l'origine de la demande de formation (55% pour la moyenne européenne, 63% pour le R.-U.), on comprend que celle-ci devient essentiellement l'affaire des opérationnels ; lesquels disposent pour s'informer et décider du Web, des réseaux sociaux (Cf. le lancement du portail Viadeo Formations), de l'Intranet (deuxième source d'information d'après l'Observatoire)… Les chiffres cités plus haut auront permis de noter au passage le peu d'impact du DIF sur la demande de formation des salariés français.

L'étude se penche aussi sur les modalités de formation. La comparaison avec nos voisins est là aussi cruelle, même si le niveau de satisfaction des salariés français reste élevé (96%). Si le présentiel est par exemple aussi développé en France qu'au R.-U. - 95% des salariés ont suivi une telle formation dans les deux pays -, 33% seulement des salariés français ont suivi une formation distancielle contre 51% en moyenne en Europe et 65% au R.-U. Idem pour le tutorat et le coaching, nettement plus développé Outre-Manche (52%) qu'en France (30%)… Ce défaut d'accompagnement terrain conforte à nouveau la vision d'une formation déconnectée des enjeux et problématiques business, peu préoccupée d'une transformation des connaissances acquises en performance des opérationnels. Un motif de satisfaction tout de même : le blended learning connaît une forte progression, 24% des salariés français y ont eu accès cette année contre 13% en 2011.

Quant au rapide développement du mobile learning dans les entreprises françaises (35% en aujourd'hui contre 8% en 2010), voire celui des serious games (40% contre 15%), il laisse pantois… En tous les cas sensiblement éloigné de la perception des acteurs du terrain (et d'autres résultats d'études récentes).

Michel Diaz