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Quand les budgets se resserrent, quelle est votre priorité en matière de compétences ?
Jean-Marc Dulou : La priorité est simple : ne pas affaiblir le socle de compétences. Quand le budget baisse, la tentation est forte de couper dans la formation. C’est une erreur stratégique. Les transformations des métiers, qu’elles soient technologiques, réglementaires ou liées à l’IA, continuent, indépendamment des cycles budgétaires. Si la formation ne suit pas, le décrochage est immédiat. À l’IFCAM, notre rôle est précisément d’éviter ce décrochage.
Quels arbitrages opérez-vous concrètement entre compétences techniques et compétences comportementales ?
Jean-Marc Dulou : Je me méfie beaucoup de cette opposition. Le vrai arbitrage n’est pas entre hard skills et soft skills, il est sur le temps. Le temps que l’entreprise accepte réellement de libérer pour se former. Tant que la formation reste cantonnée au soir, au week-end ou au “temps masqué”, elle est fragile. Former, c’est accepter que le collaborateur se forme sur son temps de travail. C’est un choix managérial, culturel et budgétaire. Sans ce choix, le reste est secondaire.
Observez-vous un retour en force des compétences techniques ?
Jean-Marc Dulou : Oui, très nettement. Après plusieurs années de focalisation sur les soft skills, les compétences techniques redeviennent centrales. L’arrivée massive de l’IA accélère ce mouvement. Les métiers évoluent vite. Certaines compétences deviennent obsolètes, d’autres deviennent critiques. On ne peut pas accompagner ces évolutions sans formations exigeantes, structurées, parfois certifiantes. Cela suppose du face-à-face pédagogique, de l’évaluation, de l’exigence. Le digital learning et l’IA sont des accélérateurs, pas des substituts.
Comment utilisez-vous l’IA dans un contexte de contraintes budgétaires ?
Jean-Marc Dulou : L’IA n’est pas une solution miracle pour faire des économies. En revanche, elle permet de mieux cibler l’effort de formation. À l’IFCAM, nous utilisons des dispositifs pilotés par IA pour orienter les collaborateurs vers les bons contenus, au bon moment, selon leur profil et leur manière d’apprendre. Cela évite la dispersion, l’empilement de ressources inutilisées. Dans un contexte budgétaire tendu, cette capacité à prioriser est essentielle.
Comment démontrez-vous la valeur des formations longues et certifiantes face aux directions financières ?
Jean-Marc Dulou : La démonstration est très concrète. Former un collaborateur pour le faire évoluer coûte moins cher que recruter à l’extérieur, onboarder, réacculturer, puis risquer un départ. L’onboarding est lui-même un coût de formation, souvent sous-estimé. Les parcours certifiants sécurisent les trajectoires, renforcent la fidélisation et réduisent ces coûts cachés. Dans une logique budgétaire, c’est un raisonnement rationnel, pas idéologique.
La contrainte budgétaire n’entre-t-elle pas en conflit avec l’accélération des transformations ?
Jean-Marc Dulou : Elle oblige à être plus rigoureux. Accélération ne signifie pas improvisation permanente. Un programme conçu en deux ans est souvent obsolète à sa sortie. À l’IFCAM, nos formations certifiantes sont revues chaque année. C’est une discipline organisationnelle. Aujourd’hui, les clients arrivent avec des réponses produites par des IA. Le rôle du conseiller n’est plus de restituer une information, mais d’exercer son discernement, de contextualiser, de comprendre le besoin. Ces compétences-là doivent être travaillées en continu.
Le financement devient un sujet central. Comment mobilisez-vous le CPF ?
Jean-Marc Dulou : Le CPF est un levier clé, à condition de l’intégrer intelligemment dans la politique compétences. L’abondement par l’entreprise est un premier signal fort. L’accompagnement administratif en est un second. Mais le point décisif reste le temps. Lorsqu’un accord est formalisé, la formation peut se dérouler sur le temps de travail. À ce moment-là, elle redevient légitime et efficace. Bien sûr, le CPF ne s’utilise que sur des certifications éligibles, ce qui nous conduit à élargir progressivement notre offre, notamment sur des thématiques comme la RSE.
Finalement, que change la contrainte budgétaire dans votre pilotage des compétences ?
Jean-Marc Dulou : Elle oblige à être plus clair, pas plus frileux. Les budgets peuvent fluctuer, mais la compétence ne peut pas baisser sans conséquence. Former moins, former mal ou former à côté des besoins coûte toujours plus cher à moyen terme. La contrainte budgétaire est un révélateur. Elle oblige à remettre la compétence au cœur de la stratégie.
Replay du webinaire 7Speaking : Former quand les budgets se resserrent
Par la rédaction d'e-learning Letter
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