Watt the Game by EDF : un sujet ultra-technique transformé en expérience d’apprentissage ludique
Pour démocratiser les enjeux complexes de l’équilibre offre-demande du système électrique, EDF a fait le pari inattendu mais ambitieux du jeu vidéo. Avec "Watt the Game", la DOAAT propose aux collaborateurs — experts comme novices — une immersion guidée par les aléas météo, les contraintes réglementaires et les choix opérationnels réels du métier d’optimisation. Nina Sedbon, Market Analyst à EDF, revient sur la genèse du jeu, ses partis pris pédagogiques et son impact déjà très tangible dans l’entreprise.

Comment est né le projet “Watt the Game” ?

Nina Sedbon : ”Watt the Game” est né d’une volonté de démocratiser les enjeux de l’équilibre offre-demande du système électrique dans l’entreprise. En effet, l’activité de l’optimiseur d’EDF (la Direction Optimisation Amont Aval Trading ou DOAAT) est complexe par nature : il s’agit d’équilibrer sur différentes échelles de temps la consommation d’électricité, variable dans la journée et selon les saisons, avec la production d’électricité et achats sur les marchés, en respectant un optimum financier et la règlementation. Former efficacement les collaborateurs avec ces problématiques est donc un challenge. Jusqu’alors, la formation reposait sur des sessions académiques en présentiel, avec peu d’interactivité et une vision fragmentée du système. Développer un jeu vidéo en libre accès permettait de dépasser ces contraintes tout en répondant par un format innovant au besoin de digitalisation des formations insufflé par la politique Formation Groupe. 

Quels ont été vos choix pédagogiques pour rendre accessibles des sujets aussi complexes que l’équilibre offre-demande en électricité ?

Nina Sedbon : La démarche est ambitieuse, car le jeu embarque des mécaniques du fonctionnement du système électrique très complexes sans être un simulateur. Niveau de production et de consommation d’électricité, variations et aléas météo, intégration des prix, règlementation, émissions CO2, aléas affectant la disponibilité des centrales, différentes échelles de temps… Tous ces aspects devaient être intégrés dans le jeu de façon ludique et pédagogique pour les joueurs. Par exemple, l’interface graphique se présente sous la forme d’une carte de la France avec les actifs de production représentés : centrale nucléaires réparties dans le pays, barrages hydrauliques dans les Alpes, etc. Tout au long du jeu, des aléas météos interviennent sous la forme de fenêtres pop-up descriptives au fil de l’eau et garantissent par ailleurs la rejouabilité : il ne se passera pas la même chose à la prochaine partie ! En effet, le jeu inclut des phases de simulation en temps réel avec la survenue d’aléas qui obligent le joueur à réagir avec les moyens disponibles et lui propose la possibilité de rejouer plus tard un scénario forcément différent. Trois niveaux de difficulté ont été conçus, chacun correspondant à des objectifs pédagogiques spécifiques, sous forme de modules indépendants.

L’expérience des utilisateurs a joué un rôle particulier dans votre approche…

Nina Sedbon : L’équipe projet était constituée d’une grande variété de profils : formateurs, experts du métier, financiers, équipes communication, collaborateurs avec une appétence « jeu vidéo »… Des points hebdomadaires lors de la phase de développement ont permis d’intégrer les sensibilités de chacun et de bien placer le curseur entre les différents enjeux, notamment pour l’aspect notation du jeu : impacts économiques, environnementaux, ressemblances avec la vie réelle… Trois playtests ont été réalisés avec des populations cibles variées (connaisseurs et non connaisseurs du système électrique, appétence ou non aux jeux vidéos). Par exemple, la participation de personnes daltoniennes nous a conduits à revoir les palettes de couleurs pour garantir l’inclusivité !

Quels retours avez-vous reçus depuis la mise en ligne du jeu ?

Nina Sedbon : Les retours sont très positifs, Watt the Game est utilisé lors d’ateliers ou présentation des activités de la DOAAT et en formation. Nous avons mis en place une communauté d’animateurs capables de réaliser des sessions de jeu dans toutes les directions de l’entreprise. Ces sessions sont l’occasion de sensibiliser aux activités de notre direction et de développer la culture générale du système électrique. Elles sont également un atout de recrutement, car elles procurent une première immersion dans les enjeux stratégiques de la DOAAT. Enfin, nous avons créé une borne de jeu qui peut être déployée lors de forums ou rencontres afin de renforcer curiosité et engagement.

Quelles sont les prochaines étapes pour enrichir le dispositif ?

Nina Sedbon : Nous travaillons à une version externalisée du jeu pour élargir notre audience sans contrainte d’accès nominatif. Cette ouverture nous permettra de toucher des publics externes – lycéens, étudiants – et de renforcer notre attractivité. Nous avons déjà expérimenté cette approche avec succès pendant la Semaine de l’Industrie, où des collégiennes ont pu découvrir les enjeux énergétiques en jouant. Demain, Watt the Game pourrait devenir un outil de sensibilisation des générations futures aux défis de la transition énergétique liés au système électrique français.

Propos recueillis par la rédaction d’e-learning Letter.