Le réflexe souverain gagne du terrain, bien au-delà de la cybersécurité
Ce sont les RSSI qui tirent la sonnette d’alarme, mais les autres directions suivront. Selon le récent rapport State of Cybersecurity porté par HarfangLab, 60 % des décideurs français en cybersécurité considèrent la souveraineté des données comme un critère majeur dans le choix de leurs fournisseurs, et 10 % en font même leur priorité numéro un. Cette inquiétude, longtemps cantonnée aux domaines sensibles, déborde désormais vers toutes les fonctions support — formation comprise. Le digital learning n’échappe plus aux logiques de souveraineté, notamment parce qu’il manipule des données RH, comportementales et parfois stratégiques sur les collaborateurs. L’extraterritorialité du CLOUD Act américain, l’opacité des flux de données dans les plateformes globales, et la dépendance technologique accrue posent désormais des questions concrètes aux responsables formation : que savons-nous réellement des solutions que nous utilisons ? Où vont nos données ? Qui y a accès ?
L’offre française existe, et elle ne manque pas d’atouts
La France n’est pas à la traîne, tant mieux ! L’écosystème digital learning français, foisonnant et innovant, propose des alternatives solides aux géants américains et aux plateformes scandinaves. LMS, LXP, contenus, outils auteurs, solutions de classe virtuelle, IA générative, podcasting ou adaptive learning… il existe aujourd’hui des champions hexagonaux sur toute la chaîne de valeur. Mieux : plusieurs d’entre eux revendiquent haut et fort leur ancrage souverain, hébergement local, conformité RGPD renforcée, voire label SecNumCloud en poche. Ces prestataires parlent la langue des DSI, des RSSI et des juristes — tout en adressant les besoins des métiers. À l’ère des RFP qui exigent à la fois scalabilité, interopérabilité, éthique algorithmique et sécurité juridique, la carte tricolore devient un argument crédible, pas une option folklorique. L'argument de la taille critique ? Balayé par la spécialisation, la réactivité et l’accompagnement de proximité dont font preuve ces acteurs français.
Acheter français, c’est aussi acheter européen : même combat, même ambition
Il ne s’agit pas d’opposer la France au reste de l’Europe. D’ailleurs, 70 % des décideurs interrogés dans l’étude HarfangLab estiment que l’Europe reste trop dépendante des technologies étrangères. Et 69 % considèrent que l’utilisation de solutions non européennes introduit des risques juridiques et de surveillance incompatibles avec le cadre légal européen. Dans ce contexte, acheter français revient aussi à renforcer une filière continentale qui partage les mêmes valeurs : respect des droits fondamentaux, régulation RGPD, architecture de confiance. L’alliance franco-allemande ou les rapprochements entre éditeurs français, belges, néerlandais ou espagnols dessinent déjà une alternative crédible aux monopoles venus d’outre-Atlantique. Dans la formation comme ailleurs, miser européen, c’est penser à long terme — tant en matière d’innovation que d’indépendance stratégique. C’est aussi se préparer aux futures directives de l’UE, telles que NIS2, qui imposeront un niveau d’exigence croissant en matière de cybersécurité, traçabilité, et transparence des données.
La souveraineté ne doit pas être un totem, mais un accélérateur de maturité
Acheter français ou européen n’a de sens que si la solution tient la route. L’intérêt souverain ne doit pas masquer les fondamentaux : expérience apprenant, ergonomie, robustesse technologique, accompagnement au changement, capacité d’innovation… Se réfugier derrière le drapeau ne sauvera pas un projet mal cadré. En revanche, poser la question de la souveraineté dès l’amont d’un projet — dès la phase d’expression de besoin — permet de révéler le niveau de maturité de l’organisation. Quels sont nos critères de choix ? Quelles clauses avons-nous prévues pour encadrer l’usage des données ? Comment anticipons-nous les mises à jour imposées par le fournisseur ? À défaut de souveraineté totale — souvent illusoire — c’est la notion de maîtrise qui doit prévaloir. Là encore, les solutions françaises ou européennes ont un avantage : elles offrent un accès plus direct aux équipes techniques, des marges de personnalisation plus grandes, une meilleure compréhension du cadre réglementaire local. Et, dans certains cas, la possibilité de passer en mode on-premise— un retour en grâce souligné par l’étude HarfangLab, où 31 % des entreprises privilégient déjà des installations locales, et 17 % envisagent d’y basculer.
Le digital learning au défi du rapport de force technologique
Le digital learning n’est pas qu’un terrain pédagogique, c’est aussi un terrain géopolitique. Quand une plateforme américaine collecte les données de formation d’un grand groupe français, qui les possède vraiment ? Quand un modèle IA “gratuit” s’entraîne sur les productions internes d’un formateur, qui contrôle les usages ? Ces questions, longtemps vues comme techniques, deviennent stratégiques. L’achat de technologies de formation ne peut plus s’improviser : il doit s’adosser à une politique d’achat éclairée, qui dépasse le seul critère du prix ou du nombre de fonctionnalités. Pour les Directions Formation, le choix du fournisseur devient un acte de gouvernance. Il engage l’image de l’entreprise, la confiance des collaborateurs, et la conformité avec les exigences réglementaires en constante évolution. Acheter français, ou européen, devient alors un levier pour renforcer la crédibilité du digital learning au sein de l’organisation, et son inscription durable dans les priorités de l’entreprise. Rester à la remorque de plateformes globales opaques, c’est risquer de voir la fonction formation perdre en légitimité — au moment même où elle doit monter en puissance sur les enjeux de compétences, d’engagement et de performance.
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