Évaluer pour révéler : l’évaluation comme moteur du développement
Aude Dellacherie
cofounder & ceo
e-learning letter
À la Caisse des Dépôts, l’évaluation cesse d’être un rituel RH pour devenir un levier de transformation individuelle et collective. Pari gagné grâce à la solution Klara. Retour sur une expérience ambitieuse où la mesure d’impact remplace le jugement, et transforme (positivement !) en profondeur le rôle des managers.

Du contrôle au développement

L’évaluation des talents, et de leur formation, s’est longtemps limitée à cocher des cases : mesure de la satisfaction à chaud, beaucoup plus rarement l’effet réel sur les pratiques. Ce modèle vacille. « L’évaluation ne doit pas être un outil de contrôle, mais servir la transformation », affirme Antoine Birard, Customer Success Manager chez Klara. De fait, la tendance s’impose : les entreprises veulent que l’évaluation serve à quelque chose, qu’elle alimente l’action, qu’elle permette d’ajuster, de piloter, de faire progresser. À la Caisse des Dépôts, cette évolution a pris corps dans des programmes concernant le vivier des cadres pressentis (une cinquantaine chaque année) pour évoluer vers des fonctions de direction. « Nous sommes passés d’une logique de suivi à une logique d’impact », confirme Olivier Entringer, responsable adjoint de la mission Cadres Dirigeants à la Caisse des Dépôts. « L’évaluation classique est souvent trop globale, parfois fourre-tout. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est de savoir ce qui change réellement pour l’individu et pour l’organisation. » Comme le résume Michel Diaz, animateur du webinaire, « l’enjeu n’est plus de savoir si la formation a plu, mais ce qu’elle a produit sur le terrain ».

De la compétence figée à l’acte concret

La démarche menée à la Caisse des Dépôts rompt avec le réflexe du référentiel de compétences statique. Les équipes ont préféré s’appuyer sur des "actes clés", des situations observables liées à la pratique réelle du métier. « L’idée, c’était de sortir d’une échelle de notation rigide, pour privilégier une appréciation du mouvement », résume Olivier Entringer. Un déplacement qui change tout : les collaborateurs sont incités à réfléchir sur ce qu’ils font, plutôt que sur ce qu’ils pensent savoir faire. Pour Antoine Birard, cette approche est au cœur de la philosophie de Klara : « Nous ne voulons pas d’un référentiel abstrait, mais d’un cadre évolutif, ajustable dans le temps, en phase avec les attendus réels du terrain. » La compétence cesse ainsi d’être un objectif figé pour devenir une trajectoire de développement : « C’est une petite révolution culturelle. On passe d’un référentiel de compétences à une observation du travail vivant, concret, évolutif. »

L’évaluation comme relation

Autre rupture : la place du manager. Longtemps considéré comme un simple validateur de notes, il devient un acteur central de l’ancrage. La démarche repose sur un double regard : l’autoévaluation du collaborateur et l’évaluation du manager, menées séparément, puis confrontées dans le dialogue. « L’intérêt n’est pas d’avoir 4 sur 5, mais de comprendre ce qui a marché, à quel moment, et pourquoi ! », insiste Olivier Entringer. Le processus vise à créer des moments d’échange et de feed-back, hors de toute logique de sanction. « Avant de corriger, il faut ancrer et progresser. Le développement, c’est d’abord prendre conscience de ce qui nous manque », ajoute-t-il. Antoine Birard renchérit : « L’outil ne remplace pas l’échange, il le favorise. Il donne un cadre, mais c’est à chacun de s’en emparer : au manager d’accompagner, au collaborateur de solliciter le feed-back. » Dans cette perspective, le manager redevient un développeur, pas un contrôleur. L’évaluation retrouve son sens premier : faire grandir.

Le rôle clé de la technologie : souplesse et ancrage

Pour que cette culture de l’évaluation utile s’installe, il faut des outils flexibles et évolutifs. « Nous avions besoin d’une plateforme agile, capable de s’adapter aux usages réels des managers et des collaborateurs », explique Olivier Entringer. « Klara a conçu une interface où chaque utilisateur – RH, manager, talent – trouve son rôle et son rythme. » La plateforme permet de jalonner les programmes par des moments d’ancrage : après une formation, un coaching, une séquence de mise en pratique. À chaque étape, le participant est invité à réfléchir, à formaliser ses apprentissages, à les relier à ses actes quotidiens. Ce suivi continu nourrit un riche corpus de données pour les responsables formation. « Ce qui m’intéresse, poursuit Olivier Entringer, c’est de comprendre ce qui fait la différence : qu’est-ce qui favorise l’ancrage ? Est-ce la pédagogie, le contexte, le rôle du manager ? Ces données nous permettent d’ajuster nos dispositifs et d’en mesurer la valeur. » La technologie n’a de sens que si elle amplifie le feed-back, pas si elle le remplace.

Vers une évaluation à grande échelle

L’outil ne suffit pas, seul, à expliquer le succès de ce projet à la Caisse des Dépôts ; le temps consacré à la conception y est également pour beaucoup. « Nous avons pris le temps de revoir plusieurs versions avant d’être à l’aise, de tester, d’ajuster, de poser les bonnes questions » : pour Olivier Entringer, ce travail de modélisation ouvre la voie à une extension du dispositif. « Ce que nous avons construit pour les viviers de futurs cadres de direction pourrait s’appliquer à d’autres populations, par exemple, les managers ou les commerciaux », estime-t-il. Klara partage cette ambition. « Le passage à l’échelle est un enjeu clé, confirme Antoine Birard. Notre rôle est d’aider les entreprises à généraliser une approche d’évaluation orientée développement, tout en gardant l’humain au centre. »

De la mesure à la révélation

L’expérience Caisse des Dépôts x Klara illustre une bascule profonde : l’évaluation n’est plus un aboutissement, mais un moyen de révéler le potentiel. Loin des scores, des référentiels immobiles et des feed-backs formels, elle s’érige en espace d’apprentissage partagé, où chacun – collaborateur, manager, RH – apprend à observer, questionner, progresser. C’est une transformation silencieuse, mais décisive. En s’appuyant sur la mesure de l’impact, les organisations redonnent du sens à leurs programmes de développement. En valorisant ce qui fonctionne plutôt que ce qui manque, elles redécouvrent le vrai visage de l’évaluation : celui d’un moteur de confiance et de croissance.