Thinkovery : les Neurosciences en éducation, une hérésie ?
thinkovery | 05 FÉVRIER 2018

Le mercredi 10 janvier dernier, le Ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer présentait les membres du Conseil scientifique de l'Éducation Nationale et leurs missions. Composé d'une vingtaine de personnalités issues de diverses disciplines scientifiques, ce Conseil scientifique a pour objectif d'apporter des éclairages en matière d'éducation. Dès l'annonce de la formation de ce Conseil, de vives réactions épidermiques se sont manifestées, soulignant notamment une main mise du scientisme dans le domaine de l'éducation. Parmi les premières réactions, un article de blog publié sur Lemonde.fr, soulignait l'importance de la prise en compte de facteurs sociologiques et le lien évident entre l'échec scolaire et le milieu social.

Loïc Le Gac, fondateur de Thinkovery, agence de digital learnig, tient à apporter son point de vue, en réaction à cet article.

« Nous faisons face, depuis cette annonce, à un type de réaction assez révélateur de notre rapport complexe à l'éducation nationale et ses réformes : 

Puisqu'une analyse de la carte scolaire montre une corrélation forte entre l'échec scolaire et le milieu social, nous ne pouvons nous appuyer exclusivement sur les neurosciences et faire fi de la sociologie et des sciences de l'éducation pour faire évoluer nos méthodes pédagogiques. Ainsi, avant de s'intéresser aux apports des neurosciences en matière d'apprentissage, il faudrait davantage prendre en compte la taille des effectifs scolaires et le nombre d'enseignants.

Or, à un instant T, ce serait beaucoup demander aux enseignants que de modifier la sociologie de la société immédiatement. En revanche, ils ont le pouvoir de transformer cette sociologie via des enseignements efficaces et non discriminants. De ce point de vue, pourquoi se priver du savoir et des éléments que peuvent nous apporter les recherches sur le cerveau, lesquels nous le savons, n'ont de portée que sur la relation de l'individu à l'apprentissage.

La sociologie de l'éducation peut nous permettre de mieux analyser la réalité et de tenter de mesurer avec précaution les effets du système éducatif. Elle ne peut cependant dégager aucune loi prédictive vérifiable par l'expérience du type « plus d'enseignants moins d'échec ». En effet, l'acte de former est une pratique autour de laquelle nous ne pouvons qu'échanger des expériences, des réflexions, mais ce n'est en aucun cas une science.

Bien entendu que beaucoup de professionnels n'ont pas attendu l'initiative ministérielle pour réfléchir à leur pratique, s'informer et s'appuyer sur les neurosciences pour les guider dans leurs méthodes pédagogiques. Pourtant, pouvons-nous parler du fait qu'il s'agit là d'un phénomène majoritaire et qu'il est urgent de ne rien changer ? Ne prenons qu'un seul exemple. Les neurosciences sont venues confirmer des intuitions déjà anciennes des pédagogues. Notre cerveau a besoin de tester sa compréhension dans un jeu d'essai/erreur pour une bonne mémorisation. Pourtant, au bout de combien de temps un enfant reçoit-il la correction de son devoir sur table ? Et quand il le reçoit, est-ce que l'on est toujours sur le même point de programme ? Y revient-on en cas de difficulté (justement de l'enfant issu de milieu défavorisé…) ? Voici une simple leçon qui porte en elle une véritable révolution dans la construction de notre modèle éducatif et dans sa capacité à exclure.

Pour répondre à ces enjeux, nous disposons aujourd'hui d'un formidable outil qu'est le digital. 

La formation via le digital, avec ses métriques et ses mesures, peut faire peur mais elle permet de réaliser des expériences éducatives intéressantes, souvent inspirées par les neurosciences. Comme le montrent les expériences menées par la Khan Academy aux Etats-Unis, elle permet ensuite de revoir, de modifier, le fonctionnement des classes et d'effectivement transformer le destin de ceux qui habituellement sont exclus.

Avant l'anathème ne serait-il pas temps d'en venir au pragmatisme, à l'expérimentation, à l'innovation en matière d'éducation en France ? »

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